Je Serais Fidèle au clan jusqu'à ma mort !

Nuage d'Amaryllis se retourne brusquement, les oreilles plaquées sur sa tête. Je vois qu'elle a l'air paniqué. C'est bien ce que je pensais, elle veut retourner chez les bipèdes, à la ville... Elle se tapie au sol et un léger grondement s'échappe de ma gorge. Lentement, elle lève ses yeux vairons vers moi, d'un  air apeuré. Elle me miaule, terrifiée :

« Euh ... Je ... je ... je n'arrivais pas à dormir et ... Je suis tomber sur cet endroit un peu par hasard ... et vue je suis pas née dans le clan bah ... j'avais besoin d'être seule et ... je me demandais ce que ... que faisait ma mère et ... pourquoi elle m'avais abandonnée .... »

  

  Elle baisse la tête et je lui jette un regard assez mécontent. Par hasard ? Pff... Elle ose mentir en plus ! Quelle honte pour une apprentie. Ou devrais-je dire... Pour une chatte domestique ! Je relève la tête et la fixe de mes yeux bleus, sans montrer aucunes émotions. Que dois-je lui dire ? Qu'elle a le droit de retourne chez les bipèdes ? Qu'elle doit rester absolument dans le Clan ? Qu'elle est déloyale ? Dois-je la punir, lui infliger une bonne correction, ou tout simplement la rassurer et la laisser partir ? Je pense que cette solution est la meilleure. Si ma fille me demandait un jour de partir avec son père, dans le Clan des Flammes, j'accepterais. Je comprends que cette novice ne se sente pas bien dans le Clan, aux côtés de félins... Qui ne l'ont pas tous accepté. Mais en même temps, je fais de mon mieux pour essayer de l'intégrer ! Tout comme avec mon apprentie, Nuage de Roses, qui elle non plus n'est pas née dans le Clan. Et aussi avec ma fille. Ma fille adoptive, Petit Bourgeon. Je me fiche que les autres Clans pensent que le Clan de la Neige est un groupe de chats domestiques et solitaires. Enfin.... Presque.

  Je continue d'observer la jeune femelle. Je veux bien la laisser partir, mais c'est un choix  qu'elle doit faire. Si elle part, elle ne reviendra plus jamais. C'est une décision qu'elle doit prendre. Le Clan, ou la ville. Mais pas les deux. Si elle choisit les bipèdes, et que nous la revoyons un jour sur nos terres, elle sera chassée comme une intruse. 

"Nuage d'Amaryllis. Je comprends que tu veuilles repartir chez les bipèdes, et retrouver ta mère. Mais je suis très déçue de ta réaction. Je pensais que tu voulais devenir une guerrière, dans le Clan de la Neige !"

  C'est la vérité, sa décision me déçoit beaucoup.... Elle aurait fait une incroyable chasseuse et combattante. Un atout pour le Clan... Qu'elle dommage qu'elle nous quitte maintenant...

  

L'apprentie cligne des yeux, et j'ai l'impression qu'elle se met à pleurer. Je penche la tête sur le côté, je ne comprends pas ! Qu'est ce que j'ai dis de mal ? Je lui laisse la chance dont elle rêve depuis longtemps, et elle pleure ? Ou alors... Pleure t-elle de joie ? Je suis totalement perdue.

« Je ne veut pas partir ! Le clan ... c'est ma maison ... C'est juste que ... bah parfois, je me sens seule face à tout les autres apprentis qui eux sont issus du clan et connaissent leurs parents ... »


Oh ! Clan des Lumières, sauvez-moi de cette honte ! Elle ne veut pas partir ?! Mais quelle gaffe je viens de faire...  Je me sens vraiment très bête. Je suis prise de malaise... Et elle aussi j'imagine. La pauvre... Dans quel embarras j'ai dut la mettre !


"Oh... Nuage d'Amaryllis, je suis désolé ! Je croyais que..."


Je baisse la tête, honteuse de ma bêtise. Puis, lentement, je la regarde, et me lève pour aller m'asseoir près d'elle. Je jette un coup d'oeil à la ville, que nous voyons au loin. Les lumières brillent, un peu comme des lucioles, et je reste bouche bée devant ce spectacle. Je ne m'étais jamais attardée ici pour regarder ce beau paysage. Et dire que Nuage d'Amaryllis est née là-bas... Enfin... Dans les parages en tout cas. 
Mais même si c'est très beau, je me demande comment des chats peuvent rester dans les tanières des bipèdes, enfermés en permanence, mangeant des croquettes fades et du lait qui ne provient même pas des reines... C'est répugnant ! Je comprends que la jeune novice préfère rester ici, dans le Clan, avec nous. Et pas retourner dans le lieu où sa mère l'a vulgairement abandonnée. Je tourne la tête vers elle, et commence instinctivement à lui lécher la fourrure, entre les deux oreilles. Son pelage est magnifique, et très doux, malgré les gouttelettes qui le parsème. Et ses yeux sont... Envoûtants. Elle pourrait faire du charme à beaucoup de mâles. D'ailleurs, ce serait bien qu'une nouvelle portée voit le jour. Le Clan manque de jeunesse...

La pluie se fait de plus en plus fortes. Les gouttelettes de plus en plus nombreuses. Le froid persiste, et je commence à trembloter légèrement. Près de moi, Nuage d'Amaryllis semble transit elle aussi, et je me colle un peu plus contre elle pour la mettre au chaud. Malheureusement, ma fourrure imbibée d'eau ne fait que la refroidir. Je pousse un long soupir. Le printemps est de retour ! Pourquoi la pluie et le froid sont encore là ? 

« On peut rentrées maintenant ... ? »

J'arrête de rêvasser et me tourne vers la novice, les yeux plissés, la truffe froncée. Pour qui se prend t-elle ? C'est moi qui décide ici. Même si j'avoue qu'il commence à faire un peu froid. Un peu beaucoup... J'ouvre la gueule pour humer l'air, et un grand panache blanc s'échappe de ma gorge. Je lève légèrement la tête vers le ciel, me prenant plusieurs gouttes dans les yeux. Si nous restons ici, nous allons tomber malade. 

"D'accord. Viens, suis-moi."

Je me lève, m'ébroue, lui envoyant plein d'eau sur son beau pelage roux et blanc, déjà trempé, puis je m'engage dans la montée de la Pente Mouillée. Mais avant de commencer à grimper, je me retourne et lui miaule : 

"Promets-moi de ne jamais quitter le Clan."

La promesse que je vais lui forcer à faire est inutile. Si un jour elle veut partir, je ne pourrais pas l'en empêcher. Je fais onduler ma queue, en continuant à la fixer. J'espère au moins qu'elle aura l'intelligence de me promettre qu'elle restera... Car sinon, que vais-je lui répondre moi ? Nous l'avons accueillit, je lui ai laissé sa chance... Je ne veux pas perdre mes apprentis, mes guerriers... Je ne veux pas perdre mes amis. Non. Je ne veux pas. C'est inimaginable. Je fronce les yeux, en attendant sa réponse, sous la pluie, le pelage trempé.

Nuage d'Amaryllis ne répond rien. Je la fixe un instant, en arrêtant de respirer. Va t-elle refuser de me promettre qu'elle restera ? Dans ce cas-là, je serais strictement obligée de la tenir à l'oeil et de la surveiller en permanence ! Mais heureusement, elle ouvre les mâchoires et me miaule, d'une voix tremblotante, surement à cause du froid : 

« Je te le promets, Etoile des Vents. Le clan est ma maison aujourd'hui, je n'aurais nul part ou allé et je ne veut pas partir. »

  Je pousse un soupir, sans savoir si c'est plutôt de soulagement ou de désespoir, puis je me retourne et commence à gravir la Pente. A plusieurs reprises, je dérape, envoyant plein de petits cailloux sur la tête de la novice. Mais je ne suis pas d'humeur à m'excuser. Il fait trop froid, et je n'ai qu'une envie, c'est de rentrer. Et Nuage d'Amaryllis aussi j'ai l'impression. J'accélère l'allure, et fais un dernier bond pour m'extirper de cette Pente glissante et boueuse. J'atterris dans une flaque d'eau, qui m'éclabousse la face. Je pousse un feulement. Ce n'est pas mon jour aujourd'hui ! Je suis sure que je vais tomber malade à cause de toute cette eau. J'attends un instant que Nuage d'Amaryllis me rejoigne, puis je l'invite à me suivre d'un mouvement de la queue et nous partons ensemble vers le camp. 
Lorsque nous arrivons enfin devant l'entrée, je m'engouffre à l'intérieur en m'ébrouant, transit par le froid. Puis, alors que l'apprentie part vers sa tanière, je lui lance : 

"Demain, passes voir notre guérisseuse, au cas où tu aurais attrapé une maladie. Et tu sera également dispensée d'entraînement le matin. Profites-en pour dormir."

Puis, je rentre dans ma tanière en frissonnant, pressée de me coucher dans ma litière de mousse. Cette petite sortie nocturne ne m'aura pas laissé de très bons souvenirs. Mais au moins, je me suis mise au clair avec la jeune novice. Voilà au moins un avantage. 
Lentement, je me roule en boule dans ma litière et ferme les yeux, en tremblant encore un peu. Il fait bon ici, mais de l'eau imbibe encore mon pelage. Si je suis malade demain, ce sera de ma faute... Et de celle de Nuage d'Amaryllis... Un petit peu. En tout cas, moi j'ai encore six vies, alors qu'elle, elle n'en a qu'une. Il ne faut pas qu'elle attrape le mal blanc ou le mal vert, car elle y laisserait sa peau, j'en suis sure. Et je ne veux la mort de personne ici... Sur ce, je m'endors, plongeant dans le monde des rêves, loin des soucis du Clan et du froid de la fin de l'hiver.