Ronce Noire | Exige beaucoup de toi-même et attend peu des autres. [28/06]

Histoire :
A l’aube d’un jour obscur naquirent trois félins. D’une union au goût interdit, les rejetons virent le jour au fin fond d’une forêt lugubre sous les yeux de leur père, un puissant guerrier. Chaque petit correspondait parfaitement aux traits du père. Ni trop gros, ni trop faible, ils poussaient déjà des rugissements dont le grand guerrier était fier. Deux mâles, une femelle, aucun ne ressemblait à la mère. Elle qui avait eu le mérite d’avoir porté ses trois chatons, elle fut vite écarté des réjouissances.


« Ils sont si beaux… » Murmura t-elle faiblement.


Le mâle ne répondit pas. Il se leva, écarta les petits du ventre tendre de la mère. Surprise, la mère tenta de se lever pour se rapprocher des chatons mais la patte de son compagnon la plaqua au sol.


« Que ?... »


Il planta ses griffes dans l’épaule de la guerrière. Il se rapprocha lentement, passa au-dessus de la chatte. Le regard furibond, il avait l’air de savoir ce qu’il faisait. D’un coup de patte il trancha lentement la jugulaire. Le sang gicla sur son visage, il regardait le visage de sa compagne se décomposer, emporté par la douleur et la mort.


« Tu n’espérais quand même pas pouvoir vivre encore un peu plus ? Tu as beau être une guerrière du Clan des Ténèbres, tu n’en reste pas moins une immonde sang-mêlé. Ses petits n’auront de chance que d’être mes enfants. Ma descendance. »


Il abandonna le corps de celle qui l’avait aimé, celle qui avait accepté de porter sa descendance. Il rentra au camp, portant ses trois enfants dans la gueule. La mort de la reine fut rapidement oubliée par le Clan. Mourir après l’accouchement, cela arrivait fréquemment et n’avait rien d’extraordinaire. C’était malheureux, mais c’était comme ça. Les enfants du tyran furent élevés par une reine. Petite Ronce, Petite Chauve-Souris et Petite Crinière eurent une enfance paisible, à l’aube des secrets, des vengeances et de la mort.


Crinière Folle était devenu l’un des plus puissants guerrier du Clan des Ténèbres. Pourtant, cela ne lui convenait pas. Ronce Noire et Chauve-Souris étaient les enfants adorés du Clan. Ils remplissaient de nombreuses missions ensemble, avait même la reconnaissance du chef. Sans le vouloir, les deux félins écartaient leur frère, qui le vivait assez mal.
Les apprentis se riaient de lui.


« Alors Crinière Folle ? Ca fait quoi de n’avoir que la carcasse à manger ? Faut dire que ça doit pas être facile d’être le frère du meilleur combattant et de la meilleure chasseuse !
- J’aimerais tellement être comme Chauve-Souris ! Elle est tellement cool !
- Nan c’est Ronce Noire le meilleur ! T’as vue comment il a chassé le blaireau hier ? En plein dans le territoire du Clan des Flammes ! »
Le guerrier crème brisa la branche qu’il tenait dans la gueule et s’éloigna. Ronce Noire patati, Chauve-Souris patata ! Et puis quoi encore ? Il était furieux.


« Vous avez entendu la rumeur qui court ? Je l’ai entendu lors de la dernière assemblée.
- Hein ? Une rumeur ?
- Ouai, ça concerne Odyssée du Loup et ses gosses.
- Arrête de faire durer le suspens Truffe Blanche, on je t’arrache les moustaches.
- Il paraîtrait que la mort d’Envol du Cygne ne s’est pas passée exactement comme Odyssée du Loup nous l’a raconté. C’est une femelle de la Neige qui prétend ça. Envol du Cygne avait du sang du Clan de la Neige, vous vous souvenez ? Odyssée du Loup l’aurait engrossé juste pour avoir des chatons plus puissants. Et Envol du Cygne serait morte sous ses griffes.
- Hein ? Tu veux dire qu’il aurait tué sa compagne juste après l’accouchement ? C’est vrai que… Pourquoi aurait-elle choisi de mettre bas dans la forêt ? Elle savait que les chatons allaient bientôt arriver, pourtant elle se promenait toujours en forêt. Avec Odyssée du Loup. »


Crinière Folle tendit l’oreille. Odyssée du Loup… C’était son père. Ses guerriers parlaient donc de lui… Mais qui était Envol du Cygne ?


« Ca ne m’étonne pas. Odyssée du Loup a toujours été un vrai tyran avec elle. Pourtant elle l’aimait vraiment. Quel véritable fumier ! Le chef est-il au courant de ça ? Il faut le punir !
- Attend, attend, ce ne sont que des rumeurs que raconte une vieille femelle du Clan de la Neige. Elle prétend avoir vu la scène mais elle peut très bien mentir ! Elle n’a pas supporté le fait que le père d’Envol du Cygne aille voir ailleurs. Elle peut très bien raconter des bêtises pour nous retirer notre meilleur guerrier. D’autant plus que les petits ne connaissent pas leur véritable mère. C’est Perce-Neige qui les a élevés. Mieux vaut faire comme si on ne savait rien. Je compte sur toi. »
Les guerriers se séparent et retournèrent à leurs occupations. Crinière Folle lui ne bougea pas. Perce-Neige n’était donc pas sa mère. Et son père… Aurait tué sa véritable mère ? Il n’avait pas vraiment envie d’y croire pourtant cette histoire sonnait plausible. Odyssée du Loup était un tyran, un dictateur. Ronce Noire semblait d’ors et déjà marcher dans ses traces. Il fallait qu’il éclaircisse cette rumeur. S’il perçait son père au grand jour, il serait surement acclamé en héros. Et il serait enfin plus important que son frère et sa sœur.



Ronce Noire rentrait de la patrouille de chasse. La gueule pleine, il se dirigea vers la pile de gibier pour déposer son butin. Il était fier de lui. Le jeune guerrier avait ramené plus de proies que les vétérans et tous semblaient le respecter. Il marchait sur les traces de son père, la tête haute.
La fourrure crème de son frère passa dans le champ de vision, tel un éclair. Intrigué il se retourna et observa les alentours. Crinière Folle se dirigeait vers son père. Que lui voulait-il ?


« Odyssée du Loup. Je dois te parler.
- Que me veux-tu ? Tu ferais mieux d’aller chasser. Ton frère ne devrait pas tarder à rentrer.
- Perce-Neige n’est pas notre mère n’est-ce pas ? »
Odyssée du Loup ne répondit pas. Sa queue qui battait l’air se stoppa. Il regardait son fils, sondait son âme.


« Que dirais-tu d’une petite balade en forêt ? Il fait si beau aujourd’hui. »



Chauve-Souris était partie tôt dans la matinée. Elle chassait depuis le levé du soleil. Elle appréciait l’air frais de la forêt, l’odeur des pins et du bois humide. Sa partie de chasse fut interrompue par des bruits de pas. Elle se faufila entre les bosquets, curieuse de voir qui se promenait en ces lieux.


« Crinière Folle… Pourquoi ne veux-tu pas faire comme ton frère et ta sœur ? Ne les trouves-tu pas formidable ? Je suis si fier d’eux tu sais.
- Je ne suis pas là pour te parler d’eux. Répond à ma question. Perce-Neige n’est pas notre mère.
- Mon fils…
- Tu tournes autour du pot. J’en déduis donc qu’elle n’est pas notre mère et qu’elle n’est qu’une simple reine que tu as utilisés. Cette chatte du nom d’Envol du Cygne est donc bien notre véritable mère. »
Odyssée du Loup bondit sur le guerrier crème. Il le plaqua violemment au sol, le surplombant de toute sa hauteur. Chauve-Souris laissa échapper un hoquet de surprise. Elle se tapit dans un buisson.


« Oh. Le grand Odyssée du Loup est donc susceptible ! Tu vas me tuer ? Comme tu as tué ma mère ?
- Tais-toi. Elle n’était qu’une sang-mêlé, une erreur de la nature. Elle n’a eu que ce qu’elle méritait. Tu devrais pourtant être content d’être en vie ! D’être mon fils…
- Ordure. »


Le crème replia ses pattes sur son ventre et cracha au visage de celui qu’il ne considérait plus que comme un monstre. Il le repoussa de toutes ses forces et se dégagea de son emprise. S’ensuivit une bataille féroce. Crinière Folle était fort. Mais il n’était pas de taille devant le vétéran. La rage décuplait ses sens et sa force, pourtant il perdait petit à petit du terrain. L’issue de cette bataille serait fatale.
Odyssée du Loup venait d’acculer son fils contre un arbre. Il n’avait plus aucune issue. Son père s’approchait de lui, il se coucha au sol, cachant sa gorge. Il n’allait pas mourir, il ne voulait pas mourir. Pourtant au-dessus d’eux, le nuage noir de la mort attendait patiemment. Plouf, plouf, ce sera toi… Le grand mâle retourna son fils d’un coup de patte et lui mordit la gorge. Le sang gicla. Un éclair de fourrure noire percuta violemment le grand guerrier écaille. Ronce Noire était sortit de sa cachette. Il avait vu toute la scène. Il avait vu son père tuer son frère. Les deux roulèrent au sol. Ronce Noire acheva le tyran d’un coup de dent.
Il releva la tête, la gueule pleine de sang. Et croisa le regard de sa sœur.