On peut toujours compter sur son frère... [Saule]

Invité

« Eh bien bravo. »

Il trottait en hâte sous la pluie fine et essayait parfois d’allonger les foulées, mais cela ravivait un peu plus la douleur à chaque fois. Il manqua encore de trébucher et marqua un arrêt, considérant que sans sa souplesse, courir ne ferait qu’aggraver le problème…

« J’espère que tu es fier de toi… »

Il souffla. Bien vite, il dut se reprendre pour vérifier que personne n’était dans les parages. Lorsqu’il s’en était assuré, il abaissa un instant son regard sur la fine plaie qui découpait sa patte. La ronce qui l’avait piégé n’avait de prime abord pas été si méchante – hélas, il avait fallu qu’il se débatte... La fine entaille avait gentiment progressé vers l’intérieur, sur le côté de son membre, avant qu’enfin la vilaine plante ne se décide à le libérer. L’écorchure n’était pas bien béante, mais le sang avait commencé à entacher son pelage court. Avec la pluie, le liquide rouge vif refusait de sécher et coulait plutôt encore plus bas…

« 3 lunes de mousse pour les anciens. »

Non. Sûrement pas.
Le jeune chat avait vite compris que cette fois-ci, n’importe quelle excuse ne suffirait pas à camoufler ses petits entraînements en cachette. Ses oreilles se mirent à l’horizontale lorsqu’il aperçut le camp et quelques silhouettes mouvantes derrière les buissons. Il ne devait absolument pas se faire repérer… Derrière le rideau de pluie, il s’avança doucement dans l’ombre, longeant la bordure de la haie jusqu’à la tanière du guérisseur.

Il ne comptait certainement pas se soumettre au jugement de ses aînés, encore moins à celui du soigneur. Néanmoins, sa solution se trouvait certainement dans cette tanière à cette heure-ci… C’était le genre de solutions à ne pas aller s’agglomérer avec les autres chats, encore moins par ce temps. Il fallait espérer que le guérisseur serait au contraire d’humeur à aller guetter les rhumes des vieux…

Il s’arrêta au bord de la tanière, le pelage ruisselant. Il déglutit, puis précautionneusement, aux aguets, il chuchota :

« Saule. T’es là ? »

La pluie s'était mise à tomber bien plus tôt auparavant et elle continuait, légère, loin des grosses adverses qui semblaient pouvoir détruire une tanière. Le bruit était tout de même présent, crée par l'eau des nuages qui se heurtaient à la construction plutôt solide de l'abri.

A l'intérieur se reposait un chat, que son formateur avait laissé se reposer, pendant que celui-ci était aller prendre des nouvelles des anciens. Roulé en boule, fatigué sans que Morphée ne daigne le prendre dans ses bras, il somnolait simplement. L'heure n'était pas à rejoindre le pays des rêves mais sa nuit avait été grandement écourté par un chaton présentant les prémices du maladie, à présent hors de danger. Il aurait pu dormir, on lui avait autorisé, mais il avait préféré observer, les conséquences, il payait à présent.

« Saule. T’es là ? »

La voix lui était bien connue, la cause étant qu'il la connaissait et côtoyait son propriétaire depuis sa naissance. Se levant, il bailla, et fit mine d'avoir passé une nuit tranquille, sans interruption afin d'accueillir son frère. Nuage du Cyclone s'entrainait seul, en secret. Le cadet ne pouvait pas l'en blâmer mais les chances qu'il se blesse augmentaient, en même temps que celles d'être secouru dans les premières minutes diminuaient.

"Oui."

Sachant que celui-ci n'aimerait pas se faire remarquer par peur de remontrances et de sanctions, il ajouta:

"Et je suis seul."

Invité

"Oui."

La voix de son cadet résonna doucement dans la tanière. On eut dit qu'il venait d'émerger. Quoi que le sommeil n'avait en temps normal rien à voir avec le ton monotone du jeune soigneur, il se pouvait cette fois-ci qu'il n'y soit pas étranger.

L'apprenti guerrier lâcha discrètement un bref soupir de contentement. Il resta encore un instant silencieux dans l'entrée, mais il n'eut pas longtemps à patienter avant d'entendre son jumeau confirmer :

"Et je suis seul."

Il jeta un rapide coup d'œil derrière lui, puis s'ébroua avant de franchir le seul de l'antre. Lorsqu'il croisa le regard de son frère, il se contenta de lui adresser un petit signe de tête pour toute salutation - cela faisait bien longtemps que ce genre de politesses n'était que futilité entre eux. Mais Nuage de Cyclone songea que, avec ce qu'il ramenait, les futilités ne seraient peut-être pas de trop...

Il se stoppa dans la pénombre de la tanière, ayant à peine longé le mur. Bien qu'à l'abri de la pluie et du vent, son pelage humide faillit lui arracher un frisson. Mais ce n'était rien comparé à ce que l'eau pouvait faire à sa patte... L'entaille rouge le tançait, humide de sang ruisselant au gré des gouttes d'eau.

Ses yeux verts brillaient d'une vive lueur alors qu'il avait pointé son regard sur l'implacable visage de l'apprenti guérisseur. Sa seule préoccupation fut de s'assurer :

Le guérisseur ne revient pas maintenant ?

Son frère entra et entra dans son champs de vision. Il le salua de la tête en signe de bonjour, futile image de politesse qu'il rendit tout de même. Nuage du Saule scruta son frère, à la recherche de la raison de sa venue, il n'entrerait pas ici pour d'inutiles bavardages. Le long de sa patte coulait du sang , dilué à cause de l'eau qui tombait sur leurs terres, contrastant avec la blancheur de son pelage.

L'apprenti-guérisseur, voyant cela, eut un battement de cœur un peu plus bruyant, qu'il sentit plus rapide, plus précipité que la norme. Il réussit cependant bien vite à reprendre un rythme habituel. Nuage de Cyclone avait mal, c'était une évidence, son ainé ne viendrait pas le voir pour une petite écharde. Il suffisait de regarder le filet rouge pour le deviner. Cependant, si la douleur était insupportable, il ne serait pas arrivé jusque ici, seul et ne poserait pas ce genre de question:

"Le guérisseur ne revient pas maintenant ?"

Petit soupir las. Comment pouvait-il qu'il pense à cela alors qu'il avait la patte en sang? Pourquoi tenait-il autant à ne pas se faire repérer? Par peur de la sanction ou par peur de se voir interdire ses entrainements solitaires? Remarque, c'était toujours mieux que ceux qui se plaignaient pour un rien.

"Il ne viendra pas avant un petit moment."

Puis, montrant de sa queue la blessure et fixant ses yeux dans ceux de Nuage de Cyclone, il continua, toujours aussi monotone:

"Et si on en profitait pour que tu me montres ça? Et que tu m'expliques ce que tu as fait, au passage."

HRP:

Invité

"Il ne viendra pas avant un petit moment."

Le jeune apprenti se contenta de jeter un bref coup d'œil vers l'extérieur, où la pluie tombait encore lourdement. Bien qu'il savait son frère honnête, il resterait aux aguets, prudent dans sa démarche. Ses excursions secrètes comptaient beaucoup trop à ses yeux pour qu'il laisse place à l'imprévu...

Il vit alors le jeune guérisseur désigner sa plaie avant de poursuivre de la même voix monocorde :

"Et si on en profitait pour que tu me montres ça? Et que tu m'expliques ce que tu as fait, au passage."

Ce n'était pas seulement son ton las, la froideur de ses mots, ou la vivacité de son regard, mais aussi la tension palpable dans l'air qui fit comprendre à Nuage de Cyclone combien il embêtait son frère. Non pas pour le dérangement ; plutôt pour la potentielle inquiétude qu'il pouvait avoir fait naître en lui. Il devinait bien que malgré les apparences, son cadet ne devait pas rester pas indifférent... Cela ne lui plaisait pas vraiment, de l'attirer dans ses propres embrouilles. Mais dans cette situation, il n'avait guère le choix.

Il fit encore un ou deux pas bancals dans sa direction avant de s'asseoir, soutenant placidement le regard de son frère, les yeux mi-clos.

"Je suis parti vers les marais, en bordure. Les parages ne sont plus débroussaillés. Je me suis empêtré dans les ronces."

L'exposé était rudement simple, mais le jeune mâle ne voyait pas tant l'intérêt d'étoffer : Nuage du Saule se douterait bien du reste. Pour lui, ses excursions n'étaient plus un secret depuis fort longtemps. Qui plus est, l'image que lui renvoyait ce récit était quelque peu... humiliante ; suffisamment en tout cas pour qu'il ne désire pas le prolonger.

Il gardait sa patte légèrement relevée, évitant de prendre appui dessus. Il s'apprêtait à la présenter au jeune soigneur, mais redoutait quelque peu que ce-dernier se serve de cette occasion pour lui donner une petite punition façon guérisseur...

HRP:

"Je suis parti vers les marais, en bordure. Les parages ne sont plus débroussaillés. Je me suis empêtré dans les ronces."

Le reste n'était pas bien compliqué à comprendre. En voulant se dégager de ce piège de ronces, son frère avait sans doute tiré sur sa patte, et une épine qui se trouvait là, l'avait ouvert.

La patte de Nuage du Cyclone était relevée, de sorte à ne pas toucher le sol. Nuage du Saule chercha dans sa mémoire ce qu'il fallait faire. D'après les apprentissages de son mentor, la première chose à faire pour une plaie, c'était de la nettoyer. Il s'approcha donc de la blessure, à la recherche de corps étrangers, comme des épines. Parfait, il n'y avait rien, et elle n'était pas infectée. Il partit dans la réserve, et revenu avec deux boules de mousse imbibée d'eau. Propre, évidemment.

"Che vais te nettoyer cha afant de désinfecter."

Sans attendre d'approbation, et en oubliant le ridicule qui devait avoir en parlant ainsi, il commença ce qu'il devait faire. A l'aide de sa patte, il soutint celle de son frère, tandis qu'il frottait délicatement la plaie avec la première. Celle-ci fut rapidement hors d'usage, à cause du sang. La deuxième finit l'ouvrage, les poils plaqués sur la peau permettait une vision beaucoup plus nette de la blessure, tout comme l'absence de sang tâchant la fourrure blanche.

Si son frère avait eu mal, ce n'était pas le pire. La désinfection était connue pour être l'étape la plus douloureuse, car cela piquait. Que Nuage du Cyclone ne se plaigne pas, ce serait sa punition. Si ce mauvais souvenir l'empêcherait de retenter l'expérience à l'avenir, ce ne serait que du bénéfice. On apprend de ses erreurs après tout.

Et c'est sur ses sages pensées que Nuage du Saule mâchait la verge d'or, pour en faire un cataplasme.

HRP:

Invité

Le jeune chat vit son frère s'éclipser silencieusement, avant de revenir, chargé de boules de mousse imbibées d'eau. Insondable, comme toujours.

"Che vais te nettoyer cha afant de désinfecter."

Pas une seule réprimande. Nuage de Cyclone était un peu surpris. Il savait que, parmi les trois jumeaux, le jeune guérisseur était sans nul doute le plus sage. L'apprenti guerrier n'aurait pas été étonné de recevoir une leçon. Il n'aurait d'ailleurs rien pu dire en retour, sinon s'excuser.

M'enfin. Il se contenta d'acquiescer sans rien dire, puis de serrer un peu les crocs lorsque la mousse vint frotter sa plaie. Et de retenir les grimaces qui lui venaient en tête - la plaie mise à vif brûlait un peu... Il sut néanmoins se tenir tranquille. Il eut même un bref instant d'absentéisme, le regard dans le vide, l'air pensif.

Cependant, en voyant son cadet reprendre d'autres végétaux dans sa gueule, il revint à lui. Il se mit un peu à pencher la tête, se demandant ce qu'il comptait faire de sa bouillie de plantes... D'ailleurs, ça ne devait pas avoir bon goût.

Comme Saule semblait avoir une certaine habileté pour parler la bouche pleine, il ne retint pas ses questionnements :

"Saule... Est-ce que tu as des nouvelles de Colibri ? Je veux dire... elle n'a rien fait de "déplacé", ces derniers temps ?"

HRP:

"Saule... Est-ce que tu as des nouvelles de Colibri ? Je veux dire... elle n'a rien fait de "déplacé", ces derniers temps ?"

La gueule occupée, il n'eut pas à réprimer le grognement qui montait dans sa gorge. Cependant, un signe d'agacement se fit tout de même voir. C'était discret et seul un oeil avisé aurait pu remarquer que la cadence avec laquelle sa queue frappait le sol avait augmenté. La mention de sa soeur était l'une des seules choses, peut-être même l'unique connue, qui brisait son masque d'indifférence. Il avait entendu que Colibri avait encore séché l'entrainement. Elle avait tant d'idées pour rater volontairement ses leçons, et son imagination pour provoquer des bêtises semblait infinie. Sa soeur était intelligente, sans aucun doute, alors pourquoi ne s'en servait-elle pas pour le bien du clan?

Il finit de mâcher la verge d'or, faisant longuement patienter son frère -on aurait pu croire qu'il faisait exprès- avant de se mettre la bouillie sur la patte et de suspendre son geste. Il soupira et secoua très légèrement la tête.

"Si par déplacé tu veux dire sécher l'entrainement, alors oui, elle l'a fait.

Entre les deux membres de sa fratrie, le contraste était saisissant: l'un s'entrainait en cachette et l'autre faisait tout pour éviter les leçons. Se rendait-elle compte qu'elle retardait ainsi son baptème de guerrière?

Ne partageant plus la même tanière qu'eux, il passait nettement moins de temps en leur compagnie. Déjà qu'il ne comprenait pas très bien sa soeur, la distance n'arrangeait rien.

"Je ne la comprends plus. Tu en sais plus, toi? Après tout, tu dois la voir plus que moi."

Il ne le montrait pas, mais il était sincèrement inquiet pour elle. La voir ainsi lui déplaisait et pas seulement car elle ne respectait pas les règles. Non, c'était pour elle, pour sa santé, morale comme physique. Il ne savait plus quoi faire. En réalité, il n'avait jamais su.

Invité

L'effet fut immédiat : son petit frère ne tarda pas à manifester son mécontentement. Avec discrétion, certes - mais Cyclone devinait lorsque Saule était agacé. Il avait bien pensé que cela ne lui plairait pas. Pour autant, la situation faisait que son cadet était coincé avec lui, et n'avait aucun échappatoire pour se dérober de la discussion…

L'apprenti guerrier observa un instant la substance collée à la patte du jeune soigneur.

"Si par déplacé tu veux dire sécher l'entrainement, alors oui, elle l'a fait."

C’est un soupire pénible qui avait arraché ces quelques mots à son frère. Nuage de Cyclone se sentit un instant stupide. Bien sûr, à quoi s’attendait-il ? Il ferma à moitié les yeux, sans quitter du regard cette patte suspendue recouverte de bouillie de verge d’or. Il songeait aux sentiments d’indignation et de frustration qu’il avait dû déclencher chez son frère. Il savait qu’il n’y avait guère d’autres méthodes pour amener la discussion.

"Je ne la comprends plus. Tu en sais plus, toi? Après tout, tu dois la voir plus que moi."

L’aîné aurait aimé pouvoir rassurer son frère. Mais ce n’était pas parce qu’il la voyait plus qu’il lui était plus facile d’aborder le sujet avec elle… Il devinait même que Nuage du Saule devait plus souvent faire de remarques à sa sœur sur son comportement que lui. Et depuis qu’il avait commencé ses entraînements de combat, le jeune guerrier suivait moins les actualités sur les bêtises de sa sœur… ce qui ne voulait pas dire pour autant qu’il ne s’en doutait pas : Nuage du Colibri ne devait pas l’attendre pour poursuivre sur sa voie de la dissidence.

‘‘Je ne veux pas prendre le risque de la contrarier. J’attends le bon moment pour lui parler.’’

Suffisamment de chats désapprouvaient les agissements de Nuage du Colibri. Nuage de Cyclone songeait que, s’il voulait avoir une chance de ramener sa sœur dans le droit chemin, il devait avant tout lui montrer qu’il ne faisait pas partie de ses opposants. Il marqua un bref instant de silence avant de reporter ses yeux mi-clos sur le jeune guérisseur.

‘‘Je me dis que… qu’être de son côté est encore le meilleur moyen de la comprendre, Saule. Je pense qu’il faut que nous soyons plus indulgents avec elle.’’

Il gardait un visage calme alors que ses yeux observaient placidement ceux de son cadet, mais il savait dans le fond qu’il ferait peut-être mieux de serrer les crocs et de se préparer à encaisser une giclée de bouillie de verge d'or.

‘‘Je ne veux pas prendre le risque de la contrarier. J’attends le bon moment pour lui parler.’’

Attendre le bon moment. Ne pas prendre le risque de la contrarier. On aurait que Colibri était une chatonne capable de se briser ou d'exploser à la moindre contrariété, c'était sans doute un peu le cas. Pour lui, il lui semblait que cet instant propice n'arriverait jamais. En effet, il avait l'impression qu'il agaçait sa soeur rien qu'en ouvrant la bouche. Le fait qu'il lui adressait principalement des remontrances n'y était pas innocent.

‘‘Je me dis que… qu’être de son côté est encore le meilleur moyen de la comprendre, Saule. Je pense qu’il faut que nous soyons plus indulgents avec elle.’’

Il retourna sa patte, étalant la verge d'or sur la plaie nettoyée. Sans doute Cyclone sentirait la douleur, mais mieux valait ça qu'une infection. Il ne dit rien pendant un petit moment, dispersant le cataplasme, méditant sur ces paroles. Il n'était pas convaincu que brosser sa soeur dans le sens du poil était la meilleure solution. Mais utiliser la raison n'était pas non plus la bonne, il l'avait bien compris. Cependant, il avait peur qu'en étant indulgent, Colibri continue son comportement inapproprié jusqu'à faire une grosse connerie, portant atteinte à elle ou un autre. Qu'elle franchisse une frontière et qu'elle soit attaquée par les adversaires qui la prenait pour une espionne, ou une ennemie dangereuse. De simples bêtises pouvaient rapidement se transformer en drame.
Il ne niait pas que la comprendre était un point essentiel, mais il lui semblait qu'il n'avait pas le même raisonnement et que malgré ses efforts, il n'arriverait pas à saisir ce qu'il se passait dans la tête de sa benjamine.

"J'ai bien peur que se montrer indulgent la pousserait à continuer. Mais j'ai bien compris avec mes tentatives que ma méthode ne fonctionne pas. Alors soit… pourquoi pas. Cependant, qu'appelle-tu être indulgent?"

Car si c'était pour tout laisser couler, très peu pour lui.

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