Blood and duty [ft. Chant des Oiseaux]

Aile Brisée passa l’entrée du camp, la gueule pleine de baies. Il était parti dans l’après-midi renouveler ses réserves, laissant le camp à Nuage du Saule. La sortie lui avait fait grand bien et il devait avouer avoir un peu profité de sa balade solitaire pour traîner sur le territoire. De ce fait il rentra plus tard que prévu, le soleil était déjà en train de disparaître. Un peu honteux de sa rêverie, il traversa le camp en vitesse pour ranger ses trouvailles du jour avant d’aller avaler quelque chose, se rappelant qu’il avait le ventre vide depuis le matin.

Mais en arrivant à sa tanière, il tomba sur Chant des Oiseaux. La grande guerrière semblait l’attendre. Rapidement, Aile Brisée inspecta sa mère pour s’assurer qu’elle n’avait rien.

– Fchant dech Oicheaux… Commença-t-il avec les baies dans la bouche. Puis lâchant son fardeau, il reprit, Chant des Oiseaux ! Tout va bien ?

Cela faisait un petit moment qu’il n’avait pas discuter à sa mère. Leurs deux devoirs pour le clan très différents les gardaient séparés. Et la proximité de Chant des Oiseaux lui manquait. Il fit le tour de la guerrière, son regard inquisiteur du moindre bobo, son esprit taisant rapidement les plaintes de son estomac.

La journée commençait comme toutes les autres, par mon levée. Mais la banalité ne s'arrêtait pas là, j'allais voir le lieutenant pour m'enquérir de mes tâches du jour. J'avais été assigné à la patrouille matinale avec ma fille et mon fils cadet, Nuage des Abysses. Une sortie en famille assez tendue. Seul Nuage des Abysses parlait de temps en temps. Cette tension ne m'était pas inconnu. C'était ainsi que je passais la plupart des moments en compagnie des frères et sœur d'Aile Brisée. Le petit dernier était bien le seul avec qui j'avais entretenu un contact positif et régulier. Du moins, c'était le cas ses derniers temps. Nous n'avions pas pu échanger depuis un petit moment. J'irais lui rendre visite ce soir.

La journée passait aussi vite qu'elle avait commencé sans quitter cette routine. C'était toujours la même histoire mais ce qui allait changer ce soir c'était mes retrouvailles avec mon fils, Aile Brisée. Je m'invitais donc dans la tanière du guérisseur. Aile Brisée ne semblait pas être là et Nuage du Saule s'affairait ici et là pour ranger la réserve avant de sortir prendre l'air quelques minutes après mon arrivée. J'attendais le retour du guérisseur de patte ferme. Ce dernier arrivait après la tombée de la nuit et fut surprit mais heureux de me croiser dans sa demeure. Inquiet, il faisait le tour de ma pelisse en se demandant ce qui pouvait m'amener dans sa tanière. Je lui faisais un petit sourire avant de pousser la proie que j'avais jusque là à mes pattes vers lui avant de prendre la parole :

"-Bonjour fils. Tiens, mange. Tu rentre bien tard. Je vais bien. Je voulais juste prendre de tes nouvelles mais si je te dérange, je pourrais repasser demain."

La guerrière offrit un de ses rares sourires à son fils ce qui le fit se sentir fébrile. Elle poussa une proie vers le guérisseur en déclarant :

– Bonjour fils. Tiens, mange. Tu rentre bien tard. Je vais bien. Je voulais juste prendre de tes nouvelles mais si je te dérange, je pourrais repasser demain.

– Non ! Sutout pas, non ! Tu ne me déranges jamais ! Lâcha-t-il promptement comme si sa mère allait s’enfuir, puis reprenant son clame il continua, entre donc.

Du bout de la queue, il invita la femelle grise à le suivre dans la tanière, attrapant tout de même au passage la proie du bout des dents. Il s’installa au chaud de son antre et commença à se délecter du petit rongeur que lui avait ramené sa mère, la couvant d’un regard gratifiant, puis quand il ne sentit plus la faim lui tirailler l’estomac, il se releva et présenta la moitié de la proie qu’il n’avait pas mangé à sa mère.

– Merci pour le dîner ! J’en ai rêvé ! J’espère que tu n’as pas attendu trop longtemps, j’étais partie faire une cueillette et je n’ai pas vu le temps passer, surtout avec les jours qui raccourcissent, dit-il presque honteux.

Coupable de s’arrêter avant d’avoir fini sont travail, le guérisseur maniaque retourna chercher sa récolte et commença à les ranger par tailles et formes avant de reprendre à l’attention de sa mère :

– Et toi ? Comment vas-tu ? J’espère que tu fais bien attention à ne pas prendre froid quand tu sors, ce sera bientôt la saison du mal blanc !

Il tourna un regard grave vers la femelle, inversant un instant les rôles. Clairement, Aile Brisée voyait sa mère comme une petite fleur fragile qu’il fallait protéger alors que Chant des Oiseaux en était plutôt l’antithèse. Il couva sa mère d’un regard chaud et aimant puis vint se coucher près d’elle, fourrure contre fourrure, appréciant l’un des ses rares moments qu’il passait avec sa mère.