Etoile de la Borée - femelle -

« Petite Borée? Petite Borée! Allez, debout! »
La chatonne se retourna vers l’impudent, en ronchonnant. Tout ce qu’elle vit ce fut un éclair de fourrure rousse qui pressait ses petites pattes contre son flanc. Agacée, elle tenta de repousser son frère – car c’était bien lui. Ce dernier revint à la charge en sautant sur la chatonne, lui mordillant l’oreille.
« Allez ! Viens! »
Petite Borée soupira, avant de se lever – non sans râler un peu. Petit Mistral, son frère, était tellement impatient ! La petite femelle, une fois levée, lança un regard noir à son frère.
« J’espère que tu as une bonne raison de me réveiller, lança-t-elle, hautaine.
- Allez, viens, tu vas voir ! »
Sans attendre de réponse, Petit Mistral sortit de la Pouponnière. Leur mère s’était absentée pour aller chasser, et avait estimé qu’ils étaient assez grands pour qu’elle les laisse seuls quelques instants… Une erreur, surtout à cause de Petit Mistral.
Petit Mistral était un chaton roux, au ventre blanc, et au nez bien rose. Ses petits yeux verts faisaient craquer tout le monde, et il aimait bien s’en servir pour faire des bêtises sans se faire trop gronder. Joueur et bagarreur, faire des bêtises, c’était son passe-temps favori.
Petite Borée, elle, était tout le contraire de son frère, ou presque. Plutôt calme, elle préférait rester dans la Pouponnière plutôt que de partir en vadrouille à travers le Camp. "J’aurais tout le temps de sortir quand je serais apprentie", lançait-elle à son frère. Et même s’il lui arrivait de faire des bêtises – nul n’est parfait – Petite Borée restait très différente de son frère.
Cependant, les deux étaient très complices. Dès que l’un ne dormait pas ou que l’autre ne partait pas à l’aventure, les deux chatons passaient leur temps à se bagarrer pour de faux, à se chamailler gentiment ou à discuter de leur future vie de guerriers. Leur mère veillait sur eux, et leur racontait des histoires sur leur père, mort lors d’une bataille contre le Clan de la Neige.
« C’était un guerrier loyal et courageux ! disait-elle. Et vous devriez prendre modèle sur lui.[/b] »
Foudre du Crépuscule… C’était comme ça que s’appelait leur père. Il était mort juste après que leur mère – Mélodie des Orages – les ait mis au monde, son frère et elle. Elle avait d’abord été atterrée par la mort de son compagnon, puis s’était reprise, se jurant de bien s’occuper de leurs chatons. Ce qu’elle avait très bien réussi.

Tirée de ses pensées, Petite Borée se faufila à l’extérieur de la Pouponnière, où Petit Mistral l’attendait en trépignant d’impatience. Le vent chaud de la saison des feuilles nouvelles faisait voleter son pelage tigré. Ses yeux gris redécouvraient ce monde qu’elle ne voyait décidément pas souvent. Son frère la bouscula un peu, pour la faire bouger un peu plus vite.
« Allez ! T’auras tout le temps d’admirer le Camp à notre retour. Il ne va pas s’envoler, tu sais ? »
A notre retour… Alors ils allaient quelque part.
«  Fait que Petit Mistral ne nous attire pas d’ennuis [ /i]» pria-t-elle au Clan, des Lumières.
Le chaton roux l’attira jusque dans une brèche, juste derrière la tanière des apprentis. Petite Borée songea un instant que si un agresseur trouvait la brèche et s’y faufilait, il pourrait les attaquer par surprise.
« Il faut le signaler à notre mère ! Comme ça, elle pourra avertir le chef, fit la femelle tigrée.
- [i]Non, attends ! On leur dira au retour, sinon on pourra pas sortir, et ce sera pas marrant ! »
Sortir ! Pas question ! Petite Borée ne voulait pas s’attirer d’ennuis. De plus, leur mère serait folle d’inquiétude. Elle leur avait si souvent raconté les dangers qui rôdaient, hors du Camp… Des dangers surtout pour les chatons !
« Hors de question ! s’écria-t-elle. Notre mère sera folle d’inquiétude. Et tu as oublié ce qu’elle nous a raconté sur les dangers de la forêt ? Les blaireaux, les renards, les chouettes ?
Petite Borée vit son frère frissonner, mais il ne se démonta pas.
« Je te jure que tu n’as rien à craindre ! lança-t-il. Ce ne sont que des histoires inventées par notre mère pour pas qu’on sorte et qu’on soit toujours avec elle !
Pendant un instant, la femelle y crut, puis se ressaisit. Si Mélodie des Orages les avait prévenus, ce n’était pas sans raison !
« Vas-y, toi ! Mais ce sera sans moi. »
Elle fit demi-tour et prit le chemin de la Pouponnière. Que son frère parte à l’aventure sans elle ! Jamais elle ne s’attirerait de problèmes à cause de cette stupide boule de poils !
Pourtant, Petite Borée avait envie de voir ce qu’il y avait derrière le rideau de végétation du Camp des Bois. Très envie, même. Découvrir un monde fascinant, plein de mystères. Chasser sa première proie. Ah ! Qu’elle avait envie de devenir apprentie, d’un coup. Mais Petit Mistral lui avait donné l’occasion de ne pas attendre jusque-là. Tentée, elle fit volte-face, et vit l’éclair de fourrure rousse s’enfoncer dans la brèche, hors du Camp. Ventre à terre, elle le suivit, soucieuse de ne pas se faire remarquer. Une fois qu’elle l’eut rattrapé – ou presque – elle lui lança :
« Attends-moi ! »
Surpris, Petit Mistral se retourna. Son regard vert moqueur se braqua sur la femelle. Cette dernière poussa un long soupir.
« Alors ? Tu as changé d’avis ?   » s’enquit le chaton roux, l’œil moqueur.
Petite Borée ne lui répondit même pas, toisant son frère de son regard gris.
« Alors, on va où ? » dit-elle sèchement.
Petit Mistral secoua la tête, exaspéré. Puis il se tourna vers sa sœur et lui fit signe de la suivre, sans faire de bruit.

Longtemps, un paysage d’arbres et de fougères défila devant eux. Bien qu’elle fut émerveillée au départ, Petite Borée finit par se lasser du paysage trop ‘répétitif’ à son goût. De plus, elle se sentait un peu mal. Ils s’éloignaient petit à petit un peu plus du Camp. Et si leur mère s’inquiétait ? Et si Petit Mistral et elle se perdaient et ne pourraient jamais rentrer chez eux ? Ils mourraient. La chatonne tigrée frissonna à cette pensée.
Le paysage se fit soudain plus inconnu, et raviva la curiosité de Petite Borée. Petit Mistral, lui, continuait à s’extasier devant chaque brin d’herbe. La femelle admira ce nouveau paysage.
Il y avait moins d’arbres qu’aux alentours du camp. Tous étaient couverts de magnifiques fleurs multicolores. Mais ce n’était pas ça qui attisait la curiosité de la chatonne. C’était cet immense arbre, qui se dressait de toute sa hauteur, fier, immortel. D’après Mélodie des Orages, cet endroit s’appelait le « Grand Châtaigner » et les apprentis s’entraînaient à y grimper. Mais Petite Borée n’avait jamais vu le végétal de ses propres yeux. Il paraissait tellement plus imposant, vu comme ça…
Petit Mistral s’amusait autour du tronc. Il essayait parfois d’y grimper, mais il glissait sur la surface rigide de l’arbre. Ses petites griffes n’étaient pas encore adaptées à l’escalade…

Perdue dans ses pensées, Petite Borée n’avait pas entendu le cri perçant qui venait de retentir.
Mais ce fut celui de Petit Mistral qui la réveilla.
« Petite Borée, cours ! » hurla-t-il.
La petite femelle mit un temps à comprendre ce qui se passait. Elle n’eut pas le temps de bouger qu’une paire d’immenses serres s’agrippèrent à sa fourrure. Elle se débattit en hurlant. Mais le rapace ne relâcha pas sa prise. Dans une tornade de plume et de poils, la femelle et la buse s’affrontèrent en poussant des cris aigus. Mais Petite Borée n’était pas de taille face à un rapace adulte.
Son flanc saignait, et elle se tordait de douleur à chaque griffure infligée par la buse. Petit Mistral ne lui était d’aucun secours : paralysé par la peur, il était resté immobile, perdu, au pied du Grand Châtaigné. Des larmes coulèrent sur les joues de la femelle tigrée. Cette fois-ci, sa désobéissance allait lui coûter la vie…

Un hurlement strident déchira l’effrayant silence que Petite Borée entendait depuis un bout de temps. Un poids lourd coupa le souffle de la femelle et écrasa le rapace.
Le duel se poursuivit, avec plus de rage et d’ardeur que le précédent. Le sang giclait, mais c’était celui du rapace. D’autres guerriers vinrent au secours de Mélodie des Orages, ayant entendu sa fille hurler sous les serres du prédateur. Ensemble, les chasseurs tuèrent le rapace et dégagèrent Petite Borée de la masse morte.
Son flanc, cependant, saignait abondamment. Mélodie des Orages sermonna un instant sa fille, puis la câlina et la rassura. Puis elle alla faire subir le même traitement à Petit Mistral et entreprit d’emmener ses enfants au Camp, dans la tanière du guérisseur.
Celui-ci assura à la pauvre mère que Petite Borée et Petit Mistral allaient bien, et que le flanc de la femelle guérirait. Cependant, il affirma aussi qu’elle garderait une cicatrice. La jeune mère soupira, puis fusilla sa fille du regard.
Là, elle sut qu’elle allait passer un sale quart d’heure…

[/i]

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«[i]  Que tous les chats en âge de chasser s'approchent du Promontoire pour une assemblée du Clan ! »
Petite Borée trépignait d’impatience. A côté d’elle, Petit Mistral tentait en vain de conserver son calme. Ce jour était l’un des plus importants de leur vie.
Ils allaient devenir apprentis !
«  Petite Borée, Petit Mistral, approchez. (ils obéirent.) Petite Borée, ta sagesse n’a d’égale que ton éternelle douceur. Conserve ces qualités essentielles à un guerrier. D’ici là, tu t’appelleras Nuage de la Borée. Ton mentor sera Aile Furieuse. La meneuse se tourna ensuite vers le chaton roux. Petit Mistral. Contrairement à ta sœur, tu es plein de vie, et tu as plus tendance à agir qu’à réfléchir. Mais ton énergie et ta bonne humeur constituent des qualités tout aussi importantes. Tu seras désormais connu sous le nom de Nuage du Mistral. Ton mentor sera Plume de l’Eclair. »
Les nouveaux apprentis s’approchèrent de leurs mentors respectifs. Nuage de la Borée se sentit un peu nerveuse. Elle fit plus amples connaissances avec son mentor, Aile Furieuse, un imposant mâle roux foncé, tirant un peu sur le brun.
De son côté, Nuage du Mistral se familiarisait avec Plume de l’Eclair, une chatte gris foncé, tâchée de noir. Ses yeux ambrés brillaient de bienveillance à l’égard de l’apprenti.
Le reste de la journée se passa bien. Dès le début de l’après-midi, Nuage de la Borée, Nuage du Mistral et leurs mentors avaient visité leur territoire. La femelle tigrée n’avait pu s’empêcher de frissonner en passant devant le Grand Châtaigner, l’incident de la buse encore tout frais dans sa mémoire…
En rentrant le soir dans son nouveau domaine, elle ne put s’empêcher de lâcher un long soupir d’aise. Elle était apprentie ! Depuis le temps qu’elle l’espérait ! Nuage du Mistral aussi semblait heureux d’être un novice. Sur ces dernières pensées, la femelle tigrée sombra dans un profond sommeil.

Voilà quatre lunes que Nuage de la Borée et Nuage du Mistral étaient des novices. Ils avaient accompli leurs tâches d’apprentis merveilleusement bien. Leurs mentors les félicitaient souvent. Aile Furieuse avait insisté pour demander à leur chef une évaluation. Nuage de la Borée était nerveuse à l’idée d’un contrôle. Ils n’étaient même pas à la moitié de leur entraînement… Nuage du Mistral, lui, semblait vouloir démontrer ses compétences. Il scandait sans cesse qu’il réussirait l’évaluation haut la patte. Nuage Borée lui souriait à chaque fois sans rien répondre.
Pourtant, elle craignait l’évaluation. Et si elle n’était pas à la hauteur ? Elle était si jeune, et son entraînement n’était même pas achevé. Elle n’avait aucune raison de prétendre pouvoir réussir le test. Mais quelque chose en elle brûlait d’y arriver. Au fond, elle était aussi excitée que son frère, juste qu’elle ne le montrait pas.
[…]
Aile Furieuse et Plume de l’Eclair les avaient emmenés jusqu’à la sortie du camp, et avaient donné à chacun des apprentis une zone de forêt à couvrir. Bien sûr, les mentors leur avaient assigné un terrain éloigné du Grand Châtaigner… Si Nuage de la Borée et Nuage du Mistral rapportaient suffisamment de proies, leur examen serait considéré comme réussi.
Nuage de la Borée avait déjà commencé à investir son bout de terrain. Elle rencontrait pas mal de proies, et en capturait la plupart – même s’il lui arrivait de manquer un écureuil trop rapide ou un oiseau trop vigilant. Elle enterrait ses prises dans le but de les récupérer au retour au camp.
Le soleil était haut dans le ciel. Nuage de la Borée était quasiment sûre de réussir son évaluation. Ce jour allait être spécial. D’une façon que l’apprentie ne comprendrait que bien plus tard...
Au terme d’une longue après-midi, Nuage de la Borée et son frère avaient décidé de s’allier pour rapporter les proies au camp. Avec le nombre incroyable de rongeurs et de volatiles qu’ils avaient attrapés, nul doute que leur examen serait réussi. Les deux appentis marchaient silencieusement, concentrés à leur tâche. La femelle tigrée avançait légèrement plus vite que son frère, qui avait plus de proies dans sa gueule.
L’apprentie ne se rendit pas compte que Nuage du Mistral ne la suivait plus, occupé à autre chose.
« Eh, Borée ! Viens voir ces fruits ! Ils sont si rouges ! Et ils ont l’air si appétissants…  J’ai une de ces faims ! Puis, on ne peut pas se servir sur notre tas de proies. Pourquoi ne pas goûter les baies ? »
Nuage de la Borée se retourna brutalement. Son frère engloutit une baie, puis, satisfait du goût sucré du fruit, en engloutit un second.
« Mistral, tu devrais faire attention, ces fruits sont peut-être dangereux, et… Mistral ? Mistral, tu m’écoutes ? »
Nuage du Mistral avait le regard vide, fixé sur quelque chose d’invisible. Les yeux vitreux, vides à cause du poison, il s’écroula au sol.
« Mistral ! » hurla sa sœur.
Nuage de la Borée se précipita vers le corps de son frère. Il respirait encore, bien que faiblement. L’apprentie ne savait pas quoi faire. De grosses larmes perlaient au coin de ses grands yeux gris de chaton. Son frère allait mourir. Et elle ne pouvait rien faire. Rien à part attendre. Elle avait pensé à aller chercher le guérisseur de son Clan. Mais si Nuage du Mistral mourait pendant ce temps-là ? Il serait mort seul, sans personne à ses côtés… Et sa sœur lui refusait ce sort !
La mort dans l’âme, Nuage de la Borée était résolue à rester près du chaton roux – son frère ! – quoi qu’il lui en coûte. Elle serait près de lui dans ses derniers instants. Ainsi, il ne serait pas mort seul…
Un bruit.
Croyant qu’il s’agissait d’un renard ou d’un blaireau venu dévorer les chatons perdus dans la forêt, comme leur racontait Mélodie des Orages, Nuage de la Borée banda ses muscles, prête à se battre pour protéger son frère.
Il n’en fut rien.
Une magnifique chatte écaille-de-tortue s’avança. De l’âge d’une apprentie, ses grands yeux verts brillaient de vitalité. Rien à voir avec Nuage du Mistral, désormais mourant. Lui aussi débordait de vie… avant.
L’inconnue s’avança d’un pas gracieux, comme portée par les Lumières elles-mêmes. Loin de relâcher la tension de ses muscles, la femelle tigrée lui cracha dessus.
« Qui es-tu ? Que veux-tu à mon frère ? Que fais-tu sur le territoire du Clan des Bois ? »
La chatte écaille ne sembla pas s’offusquer de l’agressivité de Nuage de la Borée. Un tel éclat de majesté et de beauté émanait de cette apprentie.
« Je suis Nuage du Firmament, se présenta-t-elle d’une voix aussi douce que de la soie. Je suis apprentie guérisseuse du Clan des Ténèbres. Je t’ai entendu crier tout à l’heure. (Elle jeta un œil au petit corps frêle de Nuage du Mistral : )Je vais voir ce que je peux faire pour lui. Que s’est-il passé, exactement ?
- Je-je n’en sais rien, balbutia la femelle tigrée, toujours impressionnée par l’aura de calme autour de Nuage du Firmament. On transportait nos proies en silence et… Il a remarqué des baies rouges. Il les a avalé et… Et…
- Je vois… Va me chercher du millefeuille et des graines de pavot. »
Consciente que le temps leur manquait, Nuage de la Borée ne se soucia même pas de savoir si Nuage du Firmament disait vrai ou non, et alla chercher les plantes, après que l’apprentie guérisseuse les lui ait très brièvement décrites.

Lorsque Nuage de la Borée revint, la gueule pleine de millefeuille et de pavot, elle vit la femelle écaille, penchée sur son frère, en train de lui lécher les oreilles affectueusement, comme si Nuage du Mistral était un vieil ami.
L’apprentie sentit sa peau la picoter sous sa fourrure. De quel droit l’apprentie guérisseuse osait-elle ? Ce n’était pas parce qu’elle était considérée comme au-dessus des rivalités inter-claniques qu’elle pouvait se permettre ce genre de comportement !
Nuage de la Borée posa les plantes à côté de Nuage du Firmament, en se raclant la gorge. Quand la femelle écaille daigna s’écarter du chaton roux pour remercier l’apprentie, cette dernière lui jeta un regard froid.
Nuage du Firmament s’occupa de Nuage du Mistral pendant de longues minutes. Puis, elle conseilla à la femelle tigrée de le ramener au camp. Nuage de la Borée jugea que les proies pouvaient attendre. Des guerriers iraient les récupérer… Son fardeau installé sur son dos, leurs prises enterrées convenablement, l’apprentie prit le chemin du Camp des Bois.

Une fois que son Clan fut calmé, elle leur raconta toute l’histoire – à un détail près : elle avait caché l’existence de l’apprentie guérisseuse des Ténèbres. Mélodie des Orages passait tout son temps avec Nuage du Mistral. Ainsi, leur chef l’avait temporairement débarrassée de ses devoirs de guerrière pour s’occuper de son fils malade.
[…]
Une semaine entière s’écoula. Nuage de la Borée avait poursuivi son entraînement, sans entrain, pourtant. Toutes ses pensées étaient concentrées sur son frère malade. Mais lorsqu’elle rentra au camp, on lui annonça que Nuage du Mistral était définitivement tiré d’affaire. D’ici deux ou trois jours, il reprendrait l’entraînement. Nuage de la Borée remercia silencieusement Nuage du Firmament, qui avait sauvé la vie de son frère.

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« [i]Que tous ceux qui sont en âge de chasser s’approchent du Promontoire pour une assemblée de Clan!»
La tension était à son comble. Excitée comme une puce, Nuage de la Borée avait du mal à rester en place deux secondes. De son côté, Nuage du Mistral n’était pas en meilleur état. Les deux apprentis avaient douze lunes. Et malgré son accident, Nuage du Mistral avait vite rattrapé le retard de son entraînement. Les deux novices n’allaient bientôt plus l’être…
« Nuage de la Borée, Nuage du Mistral, approchez. Je demande à ce que le Clan des Lumière regarde attentivement ces deux apprentis, qui se sont entraînés dur pour comprendre et appliquer leurs nobles lois. Maintenant, ils sont prêts à devenir des guerriers. Par le pouvoir qui m’est conféré, Nuage de la Borée, tu deviendras Œil de la Borée. Nuage du Mistral, tu seras Aile du Mistral. Le Clan des Lumières n’oubliera jamais votre courage et votre sagesse. Comme la tradition l’exige. Vous veillerez une nuit entière. »
Les oreilles relevées, les nerfs tendus au possible, Œil de la Borée dut se battre intérieurement pour ne pas hurler de joie. Aile du Mistral avait relevé solennellement la tête pour tenter de masquer sa joie. Mais au fond, lui aussi devait batailler pour ne pas laisser éclater son bonheur.  Le beau matou roux sourit timidement à sa sœur. La guerrière lui rendit son sourire.
[…]
Un rayon de soleil pénétra dans la tanière des guerriers et réveilla Œil de la Borée. Cette dernière jeta un rapide coup d’œil au trou herbu derrière elle. Aile du Mistral était déjà levé, puisque sa place était vide. La guerrière soupira, avant de quitter son nid douillet. Cela faisait un peu moins d’une lune que la femelle tigrée et son frère étaient des guerriers, et Aile du Mistral prenait son travail à cœur. Avant que tout le monde soit levé, le matou roux avait déjà bien garni la réserve de gibier. Les vétérans respectaient ce jeune guerrier, qui avait encore le cœur d’aller nourrir les anciens. Puis ils s’étonnaient sur son évolution. De chaton trop curieux et intrépide, il était devenu un fier guerrier, au cœur d’or et assez sage pour ne plus se fourrer dans de fâcheuses situations. De plus, sur le passage du beau mâle, les femelles, en général, lui faisaient les yeux doux. Mais Aile du Mistral les ignorait à chaque fois…
[…]
Œil de la Borée rentrait de la chasse. Elle déposa son butin sur le tas de gibier : un lapin et deux oiseaux. Elle regarda les alentours, sans parvenir à voir son frère. « Il a dû partir en patrouille… Je l’ai encore manqué ! » se reprocha la femelle. Œil de la Borée entreprit d’aller voir sa mère. Elle pourrait peut-être lui indiquer quand Aile du Mistral rentrerait.
Sa mère était confortablement installée dans la tanière des guerriers. Œil de la Borée s’approcha de sa génitrice et se coucha à côté d’elle.
« Bonjour maman » commença-t-elle.
Mélodie des Orages leva les yeux vers sa fille, puis ses oreilles se redressèrent. La femelle aux magnifiques yeux bleus semblait heureuse de voir sa fille.
« Quel bon vent t’amène, Borée ? demanda la guerrière.
- Et bien je… Tu sais où est passé Mistral ? Je ne l’ai pas vu aujourd’hui. Je suis un peu inquiète… »
Mélodie des Orages sembla réfléchir un instant. Puis elle se tourna vers sa fille, avant de déclarer, un sourire aux babines.
« Tu le connais, il doit être parti chasser, ou bien patrouiller le long des frontières. Il prend son devoir de guerrier très à cœur. »
Peu convaincue, Œil de la Borée remercia sa mère d’un signe de la tête avant de quitter la tanière des guerriers. Elle était sincèrement inquiète pour son frère. Et s’il lui était arrivé quelque chose ? N’y tenant plus, Œil de la Borée se dirigea vers la sortie du Camp.
Elle fut bousculée malencontreusement par une masse rousse assez musclée.
« Excuse-moi, Borée. Ça va ? »
Reprenant rapidement ses esprits, Œil de la Borée identifia le nouveau venu.
« Mistral ! Où étais-tu ? J’étais inquiète !
- Quelle drôle de question », répondit le matou roux. « J’étais parti chasser. Regarde, j’ai même attrapé un gros rapace. »
Aile du Mistral posa la buse au sol sous le regard terrifié de sa sœur. Visiblement, la femelle tigrée était toujours apeurée par ses rapaces. Son frère soupira avant de reprendre le rapace et d’aller le poser sur le tas de gibier, un air coupable sur le visage. Il fut aussitôt accueilli par une nuée d’apprentis désireux de savoir comment le guerrier roux avait attrapé l’oiseau. Il leur raconta l’histoire en exagérant parfois démesurément certains détails – pour les faire rire et non se donner plus de mérite.
Mais quelque chose clochait. Cet air coupable, un peu mélancolique sur le visage. Aile du Mistral cachait quelque chose à sa sœur, c’était sûr.
[…]
Une semaine s’était écoulée, et les sorties d’Aile du Mistral se faisaient plus longues et plus nombreuses. Parfois, il sortait même dès le lever du soleil et rentrait pour le coucher de l’astre. Cela inquiétait de plus en plus Œil de la Borée. Et depuis quelques temps, le matou roux semblait… différent. Il paraissait comme distrait. Et il lui arrivait souvent de perdre le fil d’une conversation, parce qu’il était perdu dans ses pensées. Cela ajoutait à l’angoisse qu’éprouvait sa sœur.
Elle s’inquiétait sincèrement des absences – tant physiques de mentales – de son frère. Alors, Œil de la Borée avait décidé de suivre en cachette son frère. Il y avait un moment qu’elle ne croyait plus la piètre excuse de son frère. « Je vais chasser » affirmait-il. La jeune guerrière allait bientôt voir si c’était vrai ou non…
[…]
Cela faisait un moment qu’Œil de la Borée suivait son frère à travers les bois. Elle se demandait jusqu’où le jeune guerrier allait, et combien de temps elle allait le pister ainsi. Le matou roux semblait se diriger vers la frontière entre le Clan des Bois et le Clan des Ténèbres. Une crainte germa dans l’esprit de la femelle, qui pria le Clan des Lumières qu’elle se trompe.
En vain.
Aile du Mistral déboucha sur un espace un peu moins boisé. La frontière… Un autre chat l’attendait. Aile du Mistral serait-il un traître ? Bien sûr que non ! Œil de la Borée s’en voulut de penser ça de son frère. Et si le chat du Clan des Ténèbres attendait Mistral pour le tuer ?
Œil de la Borée était morte de trouille. Elle s’approcha le plus possible au cas où le guerrier écaille-de-tortue tenterait quoi que ce soit contre son frère.
Plus elle s’approchait, plus l’étranger semblait familier à la jeune guerrière.
Une telle aura de sérénité et de calme enveloppait ce qui se révélait être une magnifique femelle écaille. Ses yeux verts brillèrent d’affection lorsque le guerrier roux des Bois s’approcha. Il posa son museau contre le sien, un instant, dans un élan d’amour infini.
Ce fut un choc lorsqu’Œil de la Borée reconnut l’élue du cœur de son frère.
Nuage du Firmament !
La guerrière dut lutter pour retenir le grognement sourd qui lui montait à la gorge. Comment son frère pouvait-il fréquenter l’apprentie-guérisseuse du Clan des Ténèbres ?
N’y tenant plus, elle sortit de sa cachette, le regard froid, les crocs à moitié découverts. Les yeux de son frère étincelèrent de peur et d’horreur lorsqu’il découvrit sa sœur. Il se mit devant Nuage du Firmament, pour empêcher Œil de la Borée de lui sauter dessus – ce qu’elle aurait sans doute fait.
« B-Borée, que fais-tu ici ? balbutia Aile du Mistral.
- Je pourrais te poser la même question ! » jeta sèchement sa sœur. Puis elle se tourna vers la femelle écaille. « Quant à toi, Nuage du Firmament, tu…
- Murmures… du Firmament susurra la femelle
- Quant à toi… Murmures… du Firmament, reprit Œil de la Borée, ne t’avises jamais, je dis bien jamais de revoir Mistral ! Et toi, espèce de cervelle de souris, tu viens avec moi, on rentre !
Murmures du Firmament fronça les sourcils, visiblement peu satisfaite des initiatives de la guerrière des Bois. Malgré son air irrité, la femelle ne perdait rien de son charme.
« Nuage de la Borée… commença-t-elle.
- Œil… de la Borée » coupa la femelle tigrée, un rictus mauvais sur les babines.
« Œil de la Borée, reprit la guérisseuse, Je pense que ton frère est assez grand pour prendre des initiatives tout seul, je me trompe ? »
Cette réplique enragea la guerrière. Elle sauta sur la guérisseuse, mais fut percutée par Aile du Mistral, qui l’envoya rouler plus loin. Furieuse, son regard lança des éclairs lorsqu’elle toisa son frère. Comment osait-il préférer cette guérisseuse – d’un autre Clan ! – à elle ?
Aile du Mistral foudroya sa sœur de son regard vert. Puisqu’il refusait visiblement de l’écouter, Œil de la Borée lâcha un grognement agacé, les oreilles couchées avant de faire volte-face.
« Enfin, c’est ton problèmes si tu préfères avoir des ennuis, jeta-t-elle, acerbe. Et crois-moi, je ne ferai rien pour t’aider, le jour où le Clan découvrira ta petite liaison avec une guérisseuse ennemie. »
Aile du Mistral soupira, agacé. Tout ça, il le savait. Il aurait voulu en parler plus tôt à sa sœur, mais c’est exactement cette réaction qu’il avait craint. Et qui l’avait poussé à voir Murmures du Firmament en cachette. Mais il ne savait pas du tout ce qu’il ferait si jamais son aventure venait à être découverte. Peut-être rejoindrait-il le Clan des Ténèbres ? Non, ça ne changerait rien… Parce que Murmures du Firmament était une guérisseuse. Pourquoi la vie était si compliquée ?

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Trois lunes…
Trois lunes qu’Œil de la Borée et Aile du Mistral ne s’adressaient plus la parole. Le matou roux continuait de voir la guérisseuse des Ténèbres, et leur inimitié durerait tant que le guerrier ne cesserait pas toutes relations avec elle. Aile du Mistral ne comprenait pas pourquoi sa sœur détestait autant sa compagne. Le guerrier roux aurait tellement aimé que sa sœur le comprenne…

Œil de la Borée détestait son frère. Elle détestait aussi Murmures du Firmament. Elle la haïssait, même. Si elle devait se faire découvrir par une patrouille et se faire écorcher vive, la guerrière tigrée voulait en faire partie. De même si ça devait arriver à Aile du Mistral.
Pourtant, elle ressentait un cruel vide dans son cœur, dans son âme, même. Pourquoi son frère s’entêtait-il à voir cette crotte de renard ? La femelle soupira. Jamais elle n’avait voulu ce qui se passait entre elle et son frère. Au fond, elle le niait, mais elle l’aimait encore. A cause de la guérisseuse des Ténèbres, son frère et elle s’étaient éloignés l’un de l’autre, jusqu’à ce que leur amitié soit complètement déchirée. La guérisseuse avait envenimé leur relation. Et Œil de la Borée ne lui pardonnerait jamais.
[…]
Pourquoi l’avait-on désignée pour aller chasser avec Aile du Mistral ? Jamais, au grand jamais Œil de la Borée ne voulait entreprendre quoi que ce soit avec son traître de frère. Pourquoi ne pas inviter Murmures du Firmament, aussi ?
C’était la fin d’après-midi.  Les deux guerriers avaient attrapé un nombre suffisant de proies pour nourrir le Clan pour au moins la soirée et le lendemain matin. Efficaces, ils s’entraidaient sans s’en rendre compte, piégeant la proie, et la tuant en équipe.
Œil de la Borée crut un instant que cette expédition de chasse allait les rapprocher à nouveau. Mais Aile du Mistral fixait sans cesse la frontière du Clan rival, comme si Murmures du Firmament allait arriver d’un moment à l’autre. Ce comportement agaça sa sœur, qui cracha de mépris.
Il posa ses proies au sol, lorsqu’une silhouette écaille-de-tortue se détacha de l’autre côté de la frontière. Œil de la Borée la reconnut sans aucun mal. Aile du Mistral accourut.
[…]
[i]Pourquoi ?
Aile du Mistral était en larmes. Œil de la Borée aussi. Elle n’aurait jamais cru ça possible. Le monstre était arrivé si vite. Le guerrier roux était sur le Chemin du Tonnerre, à ce moment-là. La femelle tigrée avait eu si peur. Elle avait haï une ultime fois Murmures du Firmament. Sans elle, Aile du Mistral n’aurait jamais traversé le Chemin du Tonnerre pour aller la voir.
Pourtant, en un instant, toute haine s’était envolée. Seule la peine restait. Comment avait-elle pu ? Aimait-elle sincèrement son frère ? Au point de se jeter devant le monstre pour sauver le guerrier ?
Le corps frêle de la guérisseuse gisait au milieu du ruban d’asphalte, poisseux de sang et de larmes. Ses yeux verts brillaient de moins en moins. Aile du Mistral était penché sur la femelle calico. Il pleurait. Il hurlait. Sa peine était tellement immense. Jamais Œil de la Borée n’avait vu son frère dans un tel état.
S’était-elle trompée ? Avait-elle craint la guérisseuse pour rien ? Son frère et elle s’aimaient profondément, finalement… La guerrière ne put s’empêcher de pleurer. Elle avait haï les deux fruits d’une passion infinie, et elle s’en voulait. Elle avait haï son frère, qui ne l’avait jamais jugée en retour. Elle avait haï Murmures du Firmament, qui, en somme, ne lui avait strictement rien fait. Elle aurait donné n’importe quoi pour ne plus exister en ce moment même. Mais il était bien trop tard pour présenter des excuses.
« Aile du Mistral, je… »
Sa voix s’étrangla. Elle alla se coller contre son frère, et enfouit son museau dans le cou du matou roux, toujours penché sur le cadavre sans vie de sa compagne.
« Elle me l’a dit, Borée…
- Quoi donc ? » demanda-t-elle, les yeux embués de larmes, la voix éraillée.
« Elle m’a dit qu’elle m’aimait… Et qu’elle te pardonnait, Borée… »
Œil de la Borée ne put réprimer un couinement qui lui montait à la gorge. Comment la guérisseuse pouvait-elle la pardonner, après toute la haine qu’elle avait éprouvée à son égard ?
La guerrière tigrée jeta un dernier regard au corps sans vie de Murmures du Firmament. Même son aura de calme et de grâce l’avait abandonnée… Elle ne ressemblait plus qu’à un cadavre ordinaire. Cela peina encore plus la femelle.
« Une grande âme a quitté la forêt pour rejoindre le Clan des Lumières » se dit-elle.
« Emmenons son corps de l’autre de côté de la frontière, proposa-t-elle à son frère. Son Clan finira bien par la trouver et lui rendra l’hommage qu’il lui doit. »
Aile du Mistral acquiesça. Il fit ses derniers adieux à sa compagne, et la traîna du côté de la frontière du Clan des Ténèbres. Les yeux encore en larmes, il fit demi-tour, prit ses proies avec violence et partit en courant en direction du Camp des Bois. Il aurait sûrement envie de faire son deuil seul un moment… Et si jamais il avait besoin de sa sœur à ses côtés, Œil de la Borée se promit d’être là pour lui. Elle se sentait elle aussi atrocement coupable d’avoir haï la guérisseuse…
[…]
« Que tous ceux qui sont en âge de chasser s’approchent du Promontoire pour une Assemblée du Clan ! »
Œil de la Borée se tenait bien droite. Les cinq lunes qui avaient passé depuis la mort de la guérisseuse des Ténèbres l’avaient bien changée. Aile du Mistral avait eu du mal à s’en remettre, mais avec le soutien de sa sœur, il était à présent de nouveau comme avant. Œil de la Borée se sentait mieux. Elle avait trouvé un moyen de se racheter.
« [i]Petit Firmament, Petite Larme, approchez. Vous avec désormais six lunes, et vous êtes prêts à devenir des apprentis. »
Œil de la Borée fixa Petit Firmament. C’était une jolie femelle. Même si son nom ressemblait à celui de la défunte guérisseuse, la chatonne ne lui ressemblait pas du tout physiquement.
Petit Firmament était une petite femelle rousse foncée, débordant de joie de vivre – rien à voir avec le calme parfois intimidant de Murmures du Firmament ! – et aux magnifiques yeux gris perle.
Petite Larme, elle, était une petite femelle noire et blanche. Légèrement plus grosse que sa sœur, elle était cependant plus docile et plus amène à écouter un mentor. Ses petits yeux ambrés passaient d’Aile du Mistral à elle, tentant d’évaluer qui serait son mentor. Un instant, il sembla à Aile de la Borée que les deux chatons étaient elle et son frère à leur âge.
« Petit Firmament, ton nom sera Nuageux Firmament. Ton mentor sera Aile du Mistral. Plume de l’Eclair aura fait du bon travail avec cet apprenti avide de savoir, jusqu’à ce que le mal vert l’entraîne. Montre-toi digne de l’enseignement de ce guerrier au caractère exemplaire.
Quant à toi, Petite Larme, ton nom sera Nuage des Larmes. Ton mentor sera Œil de la Borée. Aile Furieuse, désormais Ancien, a fait de l’excellent travail avec cette apprentie qui était dévouée à son Clan corps et âme. Montre-toi digne de son enseignement. »
La cérémonie se passa pour le mieux, et Œil de la Borée eut l’occasion de faire plus amples connaissances avec Nuage des Larmes…  Ainsi qu’avec Nuageux Firmament.

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[i]

« [i]Que tous ceux en âge de chasser s’approchent du Promontoire pour une Assemblée de Clan ! »
Œil de la Borée et Aile du Mistral savaient tous deux pourquoi l’appel avait retenti. Plume de Cristal, la lieutenante, était gravement malade, et la meneuse du Clan des Bois se devait de nommer un nouveau lieutenant, du moins temporairement.
Le regard d’Etoile Eternelle parcourut la foule grandissante à ses pattes.
« Je me dois de nommer temporairement un nouveau lieutenant, puisque Plume de Cristal est malade. Elle restera sans doute plus de deux lunes dans la tanière du guérisseur. (Elle se tut avant de reprendre : )Œil de la Borée sera le nouveau lieutenant jusqu’à la guérison de Plume de Cristal. »
Œil de la Borée sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Elle lieutenante du Clan des Bois ? La guerrière ne savait pas en quoi elle avait mérité ce poste. Pourtant, elle avait juré qu’elle servirait au mieux son Clan, et elle le ferait !
« C’est un honneur que me fait Etoile Eternelle que de me nommer lieutenante du Clan des Bois, clama-t-elle. Je saurai me montrer digne de son choix !
- Je souhaite aussi profiter de cette Assemblée de Clan pour nommer deux nouveaux guerriers, dit la meneuse, après un rapide coup d’œil à sa nouvelle lieutenante. Nuageux Firmament, Nuage des Larmes, approchez.
Les deux apprentis obéirent, visiblement pris au dépourvu.
« Vous avez désormais douze lunes, et êtes prêts à devenir des guerriers à part entière. Que le Clan des Lumières m’écoute ! Nuageux Firmament, Aile du Mistral a su t’enseigner des qualités essentielles à un futur guerrier. Montre-toi digne de ses enseignements. Tu te nommeras désormais Firmament Etoilé.
Nuage des Larmes, tu seras Larme de Minuit. Œil de la Borée a fait du bon travail avec toi. Montre-toi également digne des enseignements de ton mentor. »

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[i]


Œil de la Borée était lieutenant depuis près d’une dizaine de lunes. Etoile Eternelle était malade, elle aussi. Plume de Cristal s’était remise, mais la meneuse avait préféré laisser la femelle tigrée comme lieutenante. Il ne restait qu’une vie à la meneuse. Elle s’en sortirait, mais elle ne pourrait plus exercer son poste de chef.
Ce soir-là, Astre Nocturne, le nouveau guérisseur et Œil de la Borée devaient se rendre à la Pierre Sacrée, où la future meneuse recevrait ses neuf vies.
[…]
Une vive douleur avait menacé de faire chanceler la meneuse. Elle était épuisée, affamée… Mais avait neuf vies. Elle se souvint de celle qui lui avait donné la dernière de ses existences…
Murmures du Firmament, l’ancienne guérisseuse du Clan des Ténèbres, avait péri à cause d’un monstre en sauvant Aile du Mistral, le frère d’Etoile de la Borée. Cette dernière se sentait toujours un peu coupable en repensant à la femelle écaille.
Elle s’engouffra dans le camp et sauta sur le Promontoire.
« Que tous ceux en âge de chasser s’approchent du Promontoire pour une Assemblée de Clan ! »
Tous s’approchèrent en silence.
« Le Clan des Lumières m’a accordé neuf vies.  Je suis désormais Etoile de la Borée, le chef de ce Clan, et je ferai de mon mieux pour le diriger. Votre nouveau lieutenant sera [***]. »
Sur ces dernières paroles, la meneuse descendit du promontoire. Radieuse, elle repensa à tout ce qu’elle avait vécu.
[i]Je protégerai mon Clan au péril de ma vie… se promit-elle en son for intérieur.
Un vent chaud souffla, elle put sentir une douce fragrance dans l’air. Etoile de la Borée sut que les Lumières, ses ancêtres, veillaient sur elle et l’aideraient à assumer son rôle de chef.

Les crédits des sprites sont en-dessous de ceux-ci. La couleur des sprites est d'Etoile du Perroquet, d'un autre forum. Merci de ne pas plagier sa création.