Il avançait d'un pas fier, sous la lumière d'un clair de Lune, pour lècher ses blessures. Une à la patte, souvenir espiègle d'une époque révolue. Il disait aux plus jeunes qu'il avait voulu apprendre à voler. Une sur l'oeil. Borgne qu'il était, il ne se souciait plus de voir le monde en demi-mesure. Une demi-teinte pour une moitié d'histoire. Une, enfin, sur le flanc. Près de son coeur, mais tellement loin aussi. Au sens logique, biologique, anatomique, elle était à quelques centimètres de ses organes. Mais dans sa tête, dans son esprit de rêveur, il n'avait aucune cicatrice près du coeur. Juste des souvenirs, des traces d'un passé, des amours oubliées. Il arborait non sans fierté son pelage mi-soyeux, mi-crasseux. À moitié entre l'impérial et le miteux. La teinte était difficile à reconnaître, entre un gris délavé et un blanc non achevé. Quand ses pattes se posaient sur la Terre, elles se mêlaient presque avec le sol, brunes et fortes. Sa démarche était bancale parfois, mais quand il fermait son seul oeil bleu sur le monde, seul le souvenir de sa presque majesté demeurait.
Caractère :
« I DON'T LIVE IN A CAGE »
Parfois, il se rêvait oiseau de proie. Quelques fois, il s'imaginait nuage. Souvent, il s'inventait rivière. Jamais à bout, Songe était un rêveur. Un grand rêveur. Il créait son propre monde de toute pièce. C'était devenu son deuxième chez lui, là-bas, dans sa tête. Comme un vieux mécanisme de défense rouillé. Vous savez, Songe était méfiant, si méfiant qu'il était seul. Incroyablement seul. Si seul, que son coeur lui faisait mal. Il ne croyait personne, ne faisait confiance à personne. Il prétendait vouloir demeurer seul maître à bord. Je crois qu'il avait peur qu'on lui embrigade le cerveau, qu'on lui embrume l'esprit. Songe n'était pas courageux. Il n'était pas brave. Il voulait juste sauver sa peau. Il fuyait quand les problèmes devenaient trop gros. Cela faisait-il de lui un égoïste ? Sans doute. Pour lui, il était la seule personne à sauver dans l'histoire. Souvent trop sûr, souvent trop fier, on le disait égocentrique. Tel Narcisse, il débordait de confiance en lui, souvent trop. Mais n'en restait souvent qu'une peur saillante au goût amère ; la peur de l'échec. Il n'était pas ambitieux pour deux sous mais détestait perdre. Vous savez, depuis que Songe avait compris que le ciel ne lui tomberait pas sur la tête, il était beaucoup moins inquiet.
Histoire :
Et voilà ça te reprend. T'avais demandé ton reste pourtant, t'avais demandé le calme, la sérénité, mais non, mais non. T'as tout qui te revient en pleine face, comme un vieux souvenir, comme un incendie qui s'éteint pas. Tu t'éteins pas, t'arrives pas, tu brûles, tu crames mais t'es sans passé maintenant. Qui es-tu ? Pourquoi t'es là ? Saute, vas-y, saute Songe, personne te rattrapera. T'es seul, Songe, seul comme jamais.
Le vent hurlait dans les collines et laissait derrière lui une trace douce-amère sur les herbes et les feuilles. Il était là, allongé, regardant le ciel comme on regardait la mer. Il avait dans les yeux une mélancolie qu'il ne parvenait pas à dissimuler. Dans toute cette étendue verte, il était comme une tâche. C'était drôle, parce qu'il s'était toujours senti comme une tâche. Parfois, dans la nuit noire, quand uniquement la Lune pouvait témoigner de son désespoir, il criait. Il criait comme on criait la vie, comme on criait ses rêves. Il criait la haine, et l'amour aussi. Et quand il s'en rendait compte, faisant soudain silence, il se disait que l'ironie n'avait laissé qu'une seule lettre entre les l'horreur et la joie.
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Réveille-toi, réveille-toi, réveille-toi...
C'était comme son seul souvenir. [UC]
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Sujet: Re: SONGE OUBLIÉ - look into the emptiness and step into the cold [14/09] Lun 31 Aoû 2015 - 8:26