« don't fight the feeling, it's what is good in the life. » [11/12]

past of bandit.
L'on aurait pu vous conter le tout dans le moindre détail, de la moindre croquette et proie qu'il aurai mangé. L'on aurait pu vous en faire des pages et des pages ou au contraire n'en faire que trop peu.

Le compromis est difficile. Mais essayons. Essayons bien.


Aussi improbable cela puisse paraître, ce fut dans une maison qu'Icare naquit. Il eut sans nul doute frères et soeurs, mais ils furent bien vites donnés à droite et à gauche, ou abandonnés pour les moins chanceux. Lui-même appartint bien vite à une famille de deux enfants, un garçonnet et une fille. Jusqu'ici, rien de bien particulier. Il y vécut jusqu'à ses un an, plus ou moins paisiblement. Comme vous vous en doutez sans nul doute, c'est là que les ennuis commenceront. Après tout, sans ça, ne serai-t-il pas resté domestique, petit félin choyé et protégé par ses humains.

Les ennuis se présentèrent sous la forme d'une découverte. Celle de la forêt. Ou plutôt deux découvertes. Celle des clans fut la pire des deux, le fouet qui allait avec celle d'un cône de glace, la punition de la curiosité. L'apprenti arrogant qui le découvrit, quoique pourtant bien plus jeune, lui offrit une large fissure à l'oreille, et il s'enfuyit.

Le début donc de tous les problèmes. Il apprit la rancune.

L'indignation, la haine qu'il ressentit très vite face à cette attaque aussi sournoise qu'injuste lui laissa un goût amer au bout de ses griffes qui n'avaient pu qu'à peine effleurer la fourrure du chat sauvage. Même les caïds qui arpentaient les rues n'utilisaient pas ces techniques. Ils se battaient comme des chiffonniers, pas ainsi, pas en utilisant ces étranges attaques éclair. Mais bien vite, en même temps que la haine vint la fascination. Il réussit, finalement, à avoir une conversation plus ou moins calme avec un chat des clans perdu en forêt. Son admiration retomba assez vite. Finalement, aucune magie, aucun élément incroyable dans la vie de ces chats étranges. Et leur histoire, là, de Clan des Lumières - une bande de fantômes érudits et sages? Pfeuh.

Il apprit le scepticisme.

Le jeune chat résolut d'en savoir plus encore que les bribes du félin des Flammes. Il attendit longtemps avant que l'occasion ne se présente - la fois où il trouva un chaton, presque apprenti - ayant hâte de son baptême - se présenter un peu trop près de la ville. Là dessus, âgé de quasiment deux ans, il le convainquit de le rejoindre soi-disant pour explorer la ville.

Il apprit le mensonge et l'hypocrisie.

Il revenait de moins en moins souvent à la maison de ses bipèdes, sauf pour élargir ses connaissances en matière d'humains et de technologie. Finis étaient les jeux et les taquineries. Le garçon, lui, s'occupait de moins en moins de son chat. Chat qui laissa le chaton à demi-mort, à la frontière ville et clan, lui-même ensanglanté mais désormais savant bien plus que ce qu'on avait voulu lui dire. L'intéressaient surtout cette bande de chats qu'on disait sanguinaires, à l'autre bout de la forêt. Tribu des solitaires. Mais pour les lier, il fallait redoubler d'audace et de ruse.

Il apprit à être sournois et tactique. Il oublia la rancune. Il avait autre chose à faire que poursuivre sa vengeance.

Enfin, il rencontra une femelle de la tribu. Une femelle qui le rejeta tout aussi sec, le menaçant de le décorer d'un nouvel orifice à l'oreille. Il en resta gueule bée. Mais il revint. Il la revit. Encore une fois. Aliake - elle s'appelait Aliake. Il insista. Le nom que ses bipèdes lui avaient donné ne l'intéressait pas.

Icare. Il était Icare.

Elle parla de lui. Sans le vanter, évidemment. Il ne méritait pas le respect de la chatte brune. On le recala, comme il s'y attendait. Avait-il une once de la carrure de ces énormes félins? Non. Pas une. Mais il se fit plus rusé encore. Il attendit, il patienta, en solitaire cette fois. Son collier, il le perdit à cause des clans. Il resta là, accroché à une branche, misérable ruine d'une vie paresseuse mais heureuse.

Il apprit à fuir et à frapper derrière.

On entendit parler de lui. Pas de beaucoup. Mais le souvenir de l'odeur rapportée du premier chat de clan qu'il avait croisé, celui de l'agression sur le chaton fugueur, celui encore de l'avoir vu en compagnie de membres de la tribu, rien ne contribua à lui faire une réputation de bisounours. On commença à le chercher. A le traquer, sans grand enthousiasme. Après tout, il ne s'agissait que d'un gringalet un peu trop téméraire. Mais face à plusieurs chats, il ne se risqua point à combattre.

Il apprit cette fois la lâcheté.

Enfin, on l'accepta. A grand peine, certes. On rechignait encore. Si faible, si méprisable. Mais les moqueries cessèrent vite. On avait vu qui se montrait-il derrière ses airs d'innocent naïf. Mais pas assez pour Icare. Il voulait qu'on le craigne, qu'on craigne sa tactique, qu'on craigne son savoir et qu'on craigne ses talents d'espion.

Il apprit l'ambition. Il oublia le scepticisme. Il accepta forêt Noire et Lumières.

Il apprit à oublier Jojo, le jeune chat domestique à l'oreille déchirée par les clans. Il apprit à accepter Icare, le guerrier qui se voulait espion de la tribu des Solitaires.