Sois sage et tu deviendras un noble guerrier ! (avec Petit Cygne)

Cœur de Roc s’installa à l’ombre d’un rocher. Il s’étira le dos et fit rouler ses muscles sous son duvet mousseux. L’arrivée de la saison froide avait aussi sonné l’arrivée du pelage épais et chaud. Trop chaud… Il revenait de patrouille, il venait de traverser le territoire du clan de long en large sous le soleil toujours bien présent de l’après-midi et il brûlait intérieurement. S’il était bien content d’avoir ce beau pelage en pleine saison froide, actuellement il le haïssait.

En rentrant, il était passé laper quelques gorgées d’eau à l’étang mais le plaisir de cette eau fraîche n’avait été que de courte durée face à impressionnante épaisseur de sa toison. Alors s’étendre à l’ombre sous ce rocher était le bienvenu. Même si Cœur de Roc était très attaché à servir son clan, cette petite pause qu’il s’octroyait lui semblait plus que nécessaire. Il ferma les yeux et inspira l’air frais. Il sentait bon la terre fertile. Le matou posa sa tête doucement sur ses pattes et écouta le roucoulement des oiseaux, le bruissement doux du vent s’engouffrant dans les branches, l’agitation réconfortante du clan, ces guerriers et guerrières allant et venant, discutant calmement. Calmement ?

Un piaillement aigu vint perturber sa sieste. Il sursauta et ouvrit grand les yeux. Il avait commencé à s’assoupir et ce réveil brusque lui avait fait perdre ses repères. Quand il finalement comprit qu’il n’y avait rien de grave, il maudit silencieusement l’auteur de ce dérangement. C’est alors que Cœur de Roc comprit que les petits insolents qui avaient perturbé son sommeil dont il avait tant besoin n’étaient autres que ses propres petits.

Il jeta un coup d’œil à la pouponnière et avisa ses cinq chatons jouant énergiquement devant la tanière des reines. Il vit ensuite sa compagne s’époumonant à les calmer. Elle jetait des regards gênés aux guerriers et aux anciens qui essayaient tout comme Cœur de Roc de se reposer. C’est alors qu’elle croisa le regard de son compagnon. Ses yeux passèrent par toutes les émotions, un mélange entre « aide-moi s’il te plaît » et « tu as intérêt à ramener ta jolie fourrure rapidement si tu ne veux pas que je te l’arrache ». Comprenant la détresse de sa compagne et surtout redoutant les représailles s’il ne l’aidait pas, il se hissa tant bien que mal sur ses pattes et alla la rejoindre. Il enjamba ses petits et s’approcha de la jolie reine blanche. Il lui lécha l’oreille et lui souffla :

- Va manger quelque chose et te dégourdir les pattes, je m’occupe d’eux.

La reine le couva d’un regard gratifiant et prit vite congé de ses petits et de son compagnon. Laissé seul avec les cinq petits démons, Cœur de Roc comprit qu’il avait peut-être été trop rapide en besogne en expédiant sa compagne vers le tas de gibier. Il baissa les yeux et vit ses cinq chatons se battant toujours les uns avec les autres comme dans une guerre effrénée, mais à petite échelle.

- Calmez-vous…

Miaula-t-il doucement pour ne pas réveiller les autres chatons qui dormaient. Sûrement trop doucement car les cinq furies ne s’arrêtèrent absolument pas. Cœur de Roc regarda autour de lui et comprit alors ce que signifiaient ses regards insistants qu’on envoie à une reine qui n’arrive pas à gérer ses petits. Gêné et compatissant, il haussa le ton :

- Calmez-vous !

Les petites se jetèrent sur leur père avec un excès d’euphorie, l’acclamant à gorge déployée, criant à tout va et réengageant le brouhaha qui s’était momentanément calmé. Elles lui sautaient dessus, s’attaquant à sa crinière. Patte Perlée, s’était de son côté lancée dans la terrible chasse de la queue de son père qui remuait d’exaspération. Cœur de Roc ferma les yeux et souffla intérieurement. Calme… Reste calme… L’une de ses petites sauta assez haut pour son jeune âge et les capacités limitées de ses courtes pattes fébriles et lui tapa le museau. Cœur de Roc rouvrit les yeux de surprise et observa ses cinq petits garnements. C’est alors que Petit Cygne s’exclama d’une voix forte pour couvrir les piaillements des ses sœurs.

" Dis dis dis ! Tu veux bien qu'on aille dehors voir les chauve-souris !!!! "

Si ses sœurs lui lancèrent des regards moqueurs et narquois, Cœur de Roc ne comprit ce qu’il y avait de si drôle. Il lança à son fils un regard sévère. Pensait-il vraiment qu’on pouvait voir des chauves-souris en plein milieu d’après-midi ? Il ne releva pas à la demande du chaton gris-blanc, ce fut l’une de ses sœurs qui s’en chargea.

" J'crois que Cygne il a très envie de voooo-ler ! Mais ça vole les cygnes ? "

Les quatre petites femelles se mirent à rire vivement, tournant gentiment en ridicule le chaton. Cœur de Roc ne trouva pas cela drôle du tout, pensait-il en plus qu’un chat pouvait voler sur le dos d’une chauve-souris ?! Ce petit avait encore beaucoup à apprendre, il allait devoir commencer à faire la différence entre le vrai et le faux. Le chaton fit une moue faussement irritée et retoqua avec la naïveté de son jeune âge :

" Même pas vrai d'abord ! C'est pour en chasser une et te la faire manger comme ça tu te tairas peut-être ! "

Les cinq félins miniatures se firent face avec une rage de guerriers dans les yeux. Ils bandèrent leurs petits muscles à peine inexistants et gonflèrent leurs pelages duveteux de chatons. Cœur de Roc comprit bien assez vite qu’une nouvelle bataille allait éclater entre les cinq marmots. Et c’est reparti ! Pesta-t-il en son fort intérieur. Il jeta à nouveau un regard dans la pouponnière, un chaton dormait au creux de mère et celle-ci regardait le matou avec insistance. Il comprit bien assez vite ce que ce regard voulait dire : si mon petit se réveille, tu te débrouilleras avec un sixième combattant. Aussitôt, il s’interféra entre les cinq chatons prêts à en découdre, posant son imposante patte au milieu du champ de bataille.

- Eh !

Il fallait qu’il improvise, rapidement. Les regards tournés vers lui ne seraient pas éternels. Alors, ses pupilles se dilatèrent avec malice et un sourire se dessina sur son museau, il jeta à la fratrie :

- Le premier dans sa couche, je lui fais faire un tour quand maman revient !

Les quatre petites femelles se jetèrent vers la couche de leur mère, bientôt suivie par leur frère. Celui-ci était le plus proche et en un rien de temps, il atteignit la couche. Fier de lui, il releva ses yeux pétillants vers ses quatre sœurs qui le suivaient de près et qui lui sautèrent dessus. Le cinq morveux s’écrasèrent les uns les autres.

-C'est moi la premièr-euh

-Men-teus-euh c'était moi

Deux petites s’attribuaient la victoire, échangeant des petits coups de pattes en plein visage. Cœur de Roc observa son fils qui ne semblait pas voir qu’elles le menaient en bateau. Il les regardait tour à tour avec un mélange d’admiration et de surprise. Le matou se demanda si Petit Cygne allait revendiquer sa victoire mais au lieu de cela, le chaton mordilla une queue, prêt à faire la guerre aux côtés de ses sœurs qui se jetaient dessus les unes les autres.

Cœur de Roc, comprenant qu’il devait intervenir avant que la situation dégénère à nouveau s’approcha des garnements. Il leva la voix et demanda.

- Qui a gagné…?

Il observa les oreilles des deux premières félines arrivées se dressaient sans pour autant qu’elles n’arrêtent leur guerre.

- C’est toi Petite Brise ?

La féline en question leva les yeux vers son père, quittant la bataille et s’écria :

-Ouiiiiii !

- Ou peut-être que c’est toi Patte Perlée ?

- Oui, c’est moi !

La seconde petite sauta sur Cœur de Roc avec joie. Le matou regardait son fils, il s’approcha du chaton. N’avait-il rien à faire de gagner ce tour dehors avec son père ou ne comprenait-il simplement pas qu’il avait gagné la course ? L’un ou l’autre l’étonnait, alors il lui demanda, essayant de créer en son fils un sentiment compétition, de guerrier. Il voulait faire de son fils un vainqueur qui n’avait pas peur de revendiquer ses victoires.

- Ou bien c’est toi Petit Cygne ?

Petit Cygne le regarda avec des yeux ronds un instant avant de se mettre à sauter en clamant haut et fort sa victoire. Il sauta sur son père et se mit à fanfaronner devant ses deux sœurs boudeuses. Il se pavana un moment quand soudain il se retourna vers Cœur de Roc et lança :

- Dis papa tu veux te battre ? Je suis sûr sûr sûr que je t'attrape la queue en premier.

Le guerrier ne faisait pas vraiment attention à lui, il observait dehors, attendant impatiemment que sa compagne ait fini son déjeuner et vienne le rejoindre dans la pouponnière afin qu’il puisse s’enfuir rapidement et lui laisse les cinq morveux. C’était un comportement pas très noble et Cœur de Roc en avait amplement conscience mais les chatons et lui, ça faisait deux. Petit Cygne se jeta sur sa queue et par réflexe de guerrier, le matou la rangea rapidement sou son corps, laissant le petit se ramasser par terre. Finalement la compagne de Cœur de Roc rejoignit la tanière, sourire aux lèvres. Le guerrier se leva rapidement pour accueillir la reine comme il se devait. Il posa son museau dans son cou et lui lécha l’oreille.

- Je te les rends avant de devenir fou.

La reine émit un petit ronron amusé et rendit son coup de langue à Cœur de Roc. Rapidement le guerrier s’échappa de la pouponnière pour regagner la lumière du camp quand soudain il se rappela. Il avait promis à Petit Cygne de lui faire un tour ! Un moment, Cœur de Roc se demanda s’il n’allait pas feindre avoir oublié, d’autant plus qu’il ne doutait que le chaton vivace était déjà passé à autre chose. Mais sa noblesse de guerrier l’obligea à honorer ses promesses et il fit demi-tour. Il passa la tête dans la pouponnière et lança à son fils :

- Petit Cygne, tu n’as pas oublié notre petit tour ? Allez, viens !

HRP:

Le chaton regarda son père tout émerveillé avant de se jeter vers lui. Cœur de Roc eut à peine le temps d’aviser les regards déçus des deux sœurs qui pensaient avoir gagné avant d’être pressé par le petit garnement vers la sortie de la pouponnière.

- C'est trop sympa de venir me sortir de là ! Elles vont trop être jalouses haha !

Je n’en doute pas… Cœur de Roc jeta un rapide regard vers sa compagne avant de se lancer hors de la pouponnière avec Petit Cygne sur ses talons. Celui-ci peinait à le suivre et bondissait, s’épuisant rapidement, pour rester à sa hauteur. Finalement il sauta devant les pattes du matou qui fut bien contraint de s’arrêter. Il lui demanda :

- Dis tu crois qu'il y a des chauves-souris là ? Et tu penses qu'elles peuvent faire voler quelqu'un si on demande gentiment ? Ou que si on les mange on a des ailes qui nous poussent sur le dos ?

Cœur de Roc faillit lui lancer une remarque dénigrante pour lui faire remarquer la stupidité de sa question mais se ravisa, se rappelant l’âge du chaton et n’en trouvant pas la force. Il s’assit sur le sol sablonneux du camp, à côté du petit et regarda le plafond étoilé. Il se dit que peut-être là-haut, au sein du Clan des Lumières se trouvait son père et qu’il le regardait. Cœur de Roc en tant que bon fils et bon apprenti, voulut l’impressionner. Fumée Noire avait toujours été un merveilleux père pour Cœur de Roc, un père inspirant que le matou écoutait en silence dans une ivresse de savoir. Le maine coon se tourna vers son fils, il aurait voulu prendre le relai de Fumée Noire et que Petit Cygne prenne ses traits à lui… Si seulement il pouvait être un peu moins hyperactif… Finalement et après un long moment de songe en silence, il répondit au chaton espérant qu’il l’écoute avec intérêt et qu’il ne passe pas soudainement à parler d’autre chose comme il avait la malheureuse habitude de faire.

- Sûrement qu’il y a des chauves-souris actuellement dans le ciel, mais ce sont de toutes petites bêtes, un chat, même chaton, ne peut pas monter sur le dos voyons ! Elles s’écrouleraient sous notre poids. Il tourna sa tête vers son fils. Et non Petit Cygne aucun chat ne se met à voler s’il mange les ailes d’une chauve-souris…