Guérisseur en herbe...et en graine [ft. Nuage du Saule]

Aile Brisée s’étira dans sa couche. Il fit frémir son échine et se mit sur patte. Passant un œil en dehors de sa tanière pour observer, satisfait, le ciel de l’aurore éclairant la combe. Rempli d’une énergie soudaine, le petit guérisseur fit un tour rapide dans le camp pour s’assurer que personne n’avait besoin de lui. Il aurait sincèrement bien aimé que quelqu’un l’appelle entre deux tanières pour lui demander un remède ou d’inspecter une vieille plaie, mais rien. Le Clan des Ténèbres se portaient pour le meilleur du monde et ce pour son plus grand plaisir et son absurde désespoir du jour. Ayant fait le tour de la combe, il rejoignit sa propre tanière, sachant qu’il s’y cachait le seul félin à qui il pourrait être utile en cette matinée ensoleillée. Le sourire aux lèvres, il se rendit vers la pile de gibiers, piocha un étourneau et retourna vers son antre.

Aile Brisée s’arrêta près de la belle au bois dormant et lâcha son fardeau devant son nez.

– Debout, Nuage du Saule ! Aujourd’hui, on part tester tes connaissances. Poussant la proie du bout de la patte d’autant plus vers le nez de son apprenti, il reprit, amusé : allez, prends des force, tu vas en avoir besoin.

Se tournant, le guérisseur laissa Nuage du Saule émerger tandis qu’il se pencha sur ses réserves, se disant que s’il croisait une plante ou une graine en manque, il se servirait pour remplir les stocks.

– Savais-tu que réfléchir demandait de l’énergie au même titre que de faire du sport ? Tu n’as rien à envier à tes amis apprentis guerriers sur ce point là, lança-t-il à la cantonade, débordant d’énergie, comme si l’apprenti serait ravi de l’apprendre. Mais cette nouvelle s’apparentait sans doute davantage à une information inutile dont Aile Brisée avait le don de rabâcher tous les jours plutôt qu’à la nouvelle du jour.

Un sommeil sans rêves avait accueilli Nuage du Saule en cette nuit. Juste un calme plat, reposant sans interruption. Ou alors, il avait songé mais n'en avait plus de souvenirs. Si c'était le cas, ce n'était sans doute pas bien intéressant.

Il fut réveillé par son mentor, qui lui lâcha un étourneau devant le nez, et annonça de sa voix enjouée habituelle un test de connaissances. Peut-être devant la mine encore un peu endormie de son apprenti, qui clignait des yeux, il poussa un peu plus la pièce de gibier vers sa truffe, lui demandant de prendre des forces.

Le chat aux yeux verts bailla, et s'étira, comme il le faisait chaque matin. Il était important de bien commencer la journée après tout, sans quoi il ne pourrait pas être pleinement attentif lors de celle-ci. Son rituel marchait alors pas question de le changer. Il mangea l'oiseau, sans faire très attention à son goût, banal. Était-ce la prise d'un guerrier rôdé à l'exercice de la chasse ou la première d'un apprenti qui avait poussé un cri de joie devant sa réussite? Peu importe, maintenant elle était dans son estomac.

Aile Brisée vérifiait les stocks, sans pour voir ce qu'il manquait dans cette réserve, pour qu'ils trouvent les remèdes manquants. Il ne devait pas en avoir pour que la saison des feuilles mortes commence d'un bon pas.

– Savais-tu que réfléchir demandait de l’énergie au même titre que de faire du sport ? Tu n’as rien à envier à tes amis apprentis guerriers sur ce point là.

Son formateur était toujours aussi énergique, contrastant parfois avec le sérieux et la monotonie habituelle du faciès de son novice. Ce genre de phrases, si cela l'avait surpris au début, ne lui faisait maintenant rien. C'étaient des informations comme les autres, quoique parfois un peu moins utile. Il haussa des épaules à celle-ci, disant d'un ton bas, le constat qu'il faisait.

"Enfin cela, il faudrait plutôt le dire à eux."

– Enfin cela, il faudrait plutôt le dire à eux.

Aile Brisée s’arrêta un instant dans le tri de ses plantes, il pointa une oreille en arrière, réfléchissant à toute vitesse. Oh non, il était bien loin de s’imaginer aller voir les apprentis guerriers pour leur faire un cours sur la fatigue infligée par la réflexion. Rien que d’y penser une boule se glissait dans sa gorge et se moquait de sa couardise habituelle. Mais il ne fallait pas déranger les guerriers, surtout pas.

– Tu sais quoi ? Garde plutôt ça pour toi, ça te donnera un petit air supérieur sans doute…

Sans doute… Sa voix dérapa quelque peu quand il lui parla, cachant très maladroitement la réelle raison de ses propos. Se tournant, il fit face à son apprenti et essaya de changer le sujet qu’il avait lui-même mis sur  la table :

– Bon… Allons-y, la journée sera longue !

S’assurant que le jeune félin soit prêt à y aller, Aile Brisée passa par la même occasion une dernière fois son regard de maniaque paranoïaque sur sa réserve comme si ses graines avaient pu s’enfuir en quelques secondes ou bien qu’il doutât de son cerveau à tel point qu’il voulait vérifier à deux fois ces constatations. Puis, faisant face au soleil qui éclairait à présent allégrement la combe, le guérisseur se tourna vers la petite créature encore endormie qui le suivait et, animé se son enthousiasme maladif, s’exclama :

– La saison froide arrive, l’occasion pour moi de voir si tu te rappelles quelles plantes peuvent être utiles en cas de mal vert ou de mal blanc.

Il lança une œillade par-dessus son épaule et attendait la réponse du novice, il n’y avait jamais du temps à perdre avec Aile Brisée comme mentor, sa petite évaluation commençait dès à présent.

– Tu sais quoi ? Garde plutôt ça pour toi, ça te donnera un petit air supérieur sans doute…

Nuage du Saule arqua un sourcil à cette réaction. Sans doute Aile Brisée ne voulait pas parler aux guerriers. Ce qu'il comprenait parfaitement. Lui, il ne parlait que quand c'était nécessaire. Quand à avoir un air supérieur... tout le monde prenait déjà son indifférence pour de l'arrogance, il n'avait pas besoin de cela. Pourquoi devait-il avoir constamment une émotion sur le visage? Et pourquoi, parce qu'il n'en avait pas, il devait forcément se sentir supérieur aux autres? Stupide.

– Bon… Allons-y, la journée sera longue !

Nuage du Saule bailla une dernière fois, et suivit son mentor à l'extérieur de leur antre.

– La saison froide arrive, l’occasion pour moi de voir si tu te rappelles quelles plantes peuvent être utiles en cas de mal vert ou de mal blanc.

Les plantes indispensables de la saison, en somme... Il n'aimait pas l'avouer, mais au réveil, il lui fallait plus de temps que d'ordinaire pour retrouver les informations qu'o lui demandait. C'était une chose qu'il devait améliorer. Ses camarades n'attendaient pas et les blessures et maladies n'attendraient qu'il soit au maximum de sa forme pour frapper. Il répondit malgré tout.

"Le mouron des oiseaux et l'herbe à chat, non?"

Hrp: