Jeux d'enfants [ft Taeve et Flammy]

Petit Aconit bailla à s’en décrocher la mâchoire ; la sieste de l’après-midi avait été concluante pour le jeune chaton qui s’était mis à rêver qu’il chassait la souris la plus énorme de la forêt. Joyeux comme tout, il leva la tête et pu constater qu’il était tout seul sur le dos de sa mère, ses sœurs dormaient encore, lovées au creux du ventre de la reine. Et comme il était d’humeur joueuse de si bon réveil, il descendit du ventre en se laissant glisser et atterrit exprès sur les chatonnes. Mais pas sûr qu’il était en train de les écraser et que sa chute avait fait effet, il était le poids plume de la portée. Déterminé à trouver des compagnons de jeux (les autres chatons étaient dehors ou dormaient encore), il secoua la première patte qui vint et se mit à la mordiller pour jouer.

« Eh ! Petite Corneille, Petite Ophrys, venez jouer ! »

Petite Corneille était déjà dans les bras de Morphée. Dans ses rêves, elle était souvent en train de courir dans la forêt. Elle était la guerrière la plus rapide que le Clan ait jamais connu. Et ses parents étaient fiers d'elle... Elle ressentait leurs yeux emplis de tendresse et de fierté se poser sur le petit corps frêle du chaton... Non, de la guerrière. Elle sentait ses pattes brûler tandis qu'elle arpentait les plus grands arbres qu'elle n'ait jamais vu. Et puis... Plus rien ! Elle sentait une espèce d'écho. La guerrière qu'elle était levait les yeux au ciel. Qu'est-ce qu'il se passait ? Le sol tremblait sous ses pattes... Petite Corneille écarquillait les yeux, de peur. Elle voyait que le sol sous lequel elle était suspendue était en train de s'ouvrir... AAAAHH !!

Elle se voyait tomber dans ce gouffre sans fin. Les guerriers de jadis allaient l'amener au Clan du Ciel... Oui... Elle fermait doucement les yeux et s'apprêta à finir sa vie... Quand soudain, elle se releva en couinant comme un chaton. Elle regarda autour d'elle. Elle finit par s'apaiser en observant qu'elle était retourné à la Pouponnière. Sa mère dormait profondément, sa soeur aussi d'ailleurs. Elle remarqua qu'elle avait instinctivement hérissé sa fourrure. Elle la replaça gentiment. Petite Corneille tourna la tête en tout sens. Quels étaient ces échos qu'elle avait entendu dans son rêve ? Ces voix semblaient si réelles ! Soudain, ses yeux se rivèrent sur le petit corps de son frère : Petit Aconit. Elle plissa les yeux et montra les crocs. C'était lui ! C'était lui qui l'avait réveillé en piaillant comme un fou !

Elle cracha de rage et s'approcha du frêle petit chaton. Ses yeux verts semblaient brûler de colère. La sieste était sacrée, surtout pour des chatons. Et lui, il l'a réveillé pour JOUER ?! Quel imbécile !

"- Mais t'es malade !" Cracha-t-elle. " Tu n'avais que ça de me réveiller ?! Je dormais tranquillement moi !"

Elle finit par soupirer. Elle l'aimait son petit frère. Elle ne pouvait malheureusement pas lui en vouloir longtemps. Il était si mignon. Et puis, c'était son frère. Elle finit par répondre d'une voix plus douce.

"- Tu voulais jouer, c'est ça ?"

Sans attendre de réponse, elle se jeta sur son frère. Elle n'avait pas sortit les griffes par intérêt mais ses petites pattes de velours de chaton étaient suffisantes pour jouer. Elle plaqua son frère facilement au sol. Elle allait s'amuser à se battre contre lui en attendant que Petit Ophrys se réveille. En attendant, Petite Corneille était en train de gagner le combat, haut la main ! Elle observa son frère plaqué au sol comme un pauvre petite proie et lui susurra à l'oreille.

"- Tu l'avais pas venu venir celle-là, pas vrai ?"

Visiblement, la corneille ne semblait pas être très contente d’avoir vu son rêve se terminer et elle feula contre lui. Lorsqu’elle se releva, il glissa lentement au sol, les fesses par-dessus la tête. Mais le chaton frêle n’en avait rien à faire, seul comptait pour lui la réponse à sa question et il l’attendait avec un grand sourire béat. Il pouffa de rire en voyant le poil tout ébouriffé de sa sœur, on dirait vraiment une boule de mousse comme ça ! Il glissa un regard coulant vers Petite Ophrys mais elle dormait encore. Tant pis pour elle alors ! Petite Corneille souffla un coup et lui demanda s’il voulait jouer, qu’il répondit par l’affirmative en hochant vigoureusement la tête. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle se jeta sur lui, toutes pattes dehors ! Il ne put retenir un couinement joyeux à l’impact et se laissa tomber au sol, écrasé par le poids de sa sœur. Petit Aconit se dandina pour essayer de se sortir de cette situation mais il n’était qu’un poids plume à côté, alors il préféra talonner le ventre rose de la corneille.

« Tu vas voir ça ! »

Il profita d’un instant de relâchement pour glisser comme une anguille sur le côté et prendre appuit sur ses pattes arrières ; il se propulsa ensuite à toute puissance contre elle et se prit de plein fouet le flanc de la noiraude. Petit Aconit roula au sol en ricanant comme un demeuré et agita les pattes comme un scarabée sur le dos.

« Touchée ! »

Son frère commença à frapper de ses petites pattes de velours sur le ventre rose de Petite Corneille. Celle-ci couina légèrement. Ça fait mal ! Elle n'était pourtant pas prête à lâcher prise. C'était elle qui allait gagner ce combat ! Pas lui ! Elle n'allait pas abandonner comme ça ! Elle n'était pas une faiblarde ! Avec un cri de guerre, elle feula comme un chaton tandis que son frère couina.

« Tu vas voir ça ! »

Petit Aconit réussit finalement à s'extirper de l'emprise de sa soeur grâce à ses pattes arrières. Sans laisser le temps à Petite Corneille de comprendre la situation, son frère bondit sur elle et fonça sur son flanc. Dans un gémissement de douleur mélangé à de la colère, Petite Corneille roula sur le côté. Elle se tourna vers son frère. Il était en train de rire comme un demeuré sur le côté. La noiraude montra les crocs et ses yeux verts lançaient des éclairs. T'as voulu te payer ma tête ? Tu vas voir !

Sur ces mots, elle se releva tant bien que mal et jeta un regard hargneux à Petit Aconit. Elle planta ses petites griffes de chaton dans la terre meuble du camp. Sans crier gare, elle courra vers son frère et lui fit un violent croche patte. Petit Aconit se retrouva rapidement au sol, dans une nuée de poussières. Fière de son croche-patte, Petite Corneille réprima un rire moqueur et sauta, furibonde, sur le ventre à découvert de son frère. Elle savait que ça faisait mal mais c'était drôle. Il avait pas de poils !

Quand elle eut fini de rebondir sur son ventre, elle stoppa et prit ses distances. Elle se doutait que son frère voudrait se venger. Dans un énième rire moqueur, elle cracha.

"- C'est moi la plus forte !"

A ces mots, elle se posta devant Petit Aconit et s'assit. Elle leva la queue bien haute et prit un air fier. Telle un chef, elle ronronna.

"- Je suis Etoile de Corneille, cheffe du Clan de la Neige. Tu as perdu, Etoile d'Aconit !"

Elle réfléchit un instant et s'exclama.

"- Moi, je suis la cheffe du Clan de la Neige et toi, t'es le chef du Clan des Ténèbres. De toutes façons, maman dit qu'ils puent et qu'ils sont nuls ! Et puis, ils vivent dans le noir. Moi, je vis dans la Neige ! La neige, c'est mieux ! Toi, tu verras plus le Soleil haha !"

« Mais…Corneille ! Maman elle a dit pas ici ! »

Il plongea ses petits crocs blancs dans la fourrure de Petite Corneille pour tenter de la faire partir. Franchement, maman lui avait bien dit que le ventre c’était pas gentil ! Il fit la moue boudeuse et sauta à son tour sur la noiraude pour se venger de son coup-bas mais celle-ci lui échappa comme un lézard entre ses pattes. Petite Corneille prit place devant lui et le torse bombé en avant, et elle se clama elle-même cheffe du Clan de la Neige. Le nouveau jeu sembla conquérir Petit Aconit qui se releva avec un grand sourire.

« OUI ! On joue aux chefs !! Il sautilla sur place. Mais pourquoi je dois être chef de clan ? et d’ailleurs, pourquoi ça existe les clans ? Diiiiit ? »

Petit Aconit se laissa rouler au sol et regarda avec de grands yeux sa sœur, attendant une réponse de sa part. Quoiqu’au bout d’une milliseconde, il sembla oublier sa question pour sauter sur sa sœur. Le jeune chaton se prêta au jeu de Petite Corneille et cria avec sa petite voix stridente.

« YOUHOU ! Je suis Etoile d’Aconit et je suis le plus grand des chefs que le Clan des Lumières ait jamais connu !! »

« Mais…Corneille ! Maman elle a dit pas ici ! »

"- Oui bon, elle aurait pu le dire..."

Oui, bon, Petite Corneille avait tendance à oublier les dires de sa mère, surtout quand cela était des avertissements. Fait pas ci ! Fait pas ça ! Qu'est-ce que c'était barbant. Et, Corneille n'aimait pas ce qui était barbant ! Elle était encore cheffe il y a quelques secondes ! Mais, c'est trop nul ! Parce que son frère venait de casser son trip de cheffe. C'était elle la cheffe, d'abord ! Lui, il était trop FAIBLE !

- OUI ! On joue aux chefs !!

Jouer ? Elle ne voyait pas vraiment ça comme ça... Ce n'était pas un jeu mais un futur proche. Elle se languissait déjà d'être au dessus de ses camarades, d'être la tête la plus haute du Clan. Et, elle pourra montrer à Madame Soleil qu'elle se trompait à son sujet. Elle était déjà parfaite, comme elle était ! Mais bon, oui, ils pouvaient appeler ça un jeu. Quand on joue à un jeu, autant y jouer à fond !

- Mais pourquoi je dois être chef de clan ? et d’ailleurs, pourquoi ça existe les clans ? Diiiiit ?

Trop de questions, beaucoup trop ! Il ne pouvait pas simplement jouer le jeu et non se poser des questions inutiles ?! Tu es chef parce que c'est le but du jeu, imbécile ! Et, comment pourrait-elle connaître la raison de l'existence des Clans. Elle n'en connaissait pas plus que son frère. Eux deux n'avaient même encore jamais franchis la barrière qui les délimitait du camp. En clair, ils ne connaissaient que peu de choses du monde extérieur. Mais, sans attendre de réponse, le maigre chaton se jeta sur sa soeur, les griffes rentrées. Ses petits cris de chatons agaçants en faisaient presque mal aux tympans de la noiraude. Avait-elle un cri aussi horrible à l'écoute ?

« YOUHOU ! Je suis Etoile d’Aconit et je suis le plus grand des chefs que le Clan des Lumières ait jamais connu !! »

Quoi ? Qu'est-ce qu'elle venait d'entendre ? Que son frère était le plus grand des chefs ?! Mais bien sûr ! Phrase ironique, évidemment. Elle ne voyait nullement son frère en tant que chef, loin de là. Elle le voyait plutôt comme un pauvre chaton maigrelet qui a besoin du soutien de sa famille. Elle avait presque de la pitié pour lui, presque. Mais, elle n'allait pas le laisser gagner si facilement !

En essayant de le faire déguerpir, elle lui donna un violent coup de pattes dans la mâchoire, ce qui le fit rouler à quelques longueurs de queue. Elle eut presque mal pour lui. Ça devait faire mal ! Mais bon, c'était le jeu ! Dans un jeu, il y a des gagnants, des perdants... Et des blessés ! Physiquement ou moralement, d'ailleurs... Petite Corneille, fière de son coup bien visé, s'approcha de sa "proie". Elle ricana, un sourire mesquin reflété sur le visage.

"- Le plus grand chef, tu disais ?"

Elle finit par lui mordiller gentiment les oreilles. Un jeu basique de chaton, bien que c'était en réalité un petit entraînement martial bien dissimulé. Mais, elle ne s'en rendait pas vraiment compte... Petite Corneille finit par plisser les yeux et grogna.

"- Sinon, pour tes questions... Bah heu... Tu veux pas être chef, toi ? T'imagines ? Tu serais le chat le plus fort de la forêt ? C'est pas trop génial ?!"

Elle s'arrêta un instant, en plissant les yeux vers son frère, la mine sévère.

"- Quoi? Me dis-pas que tu veux être un stupide guérisseur ?!

Elle espérait que non. Les guérisseurs n'étaient que des incapables, stupides et pas très intelligents. Elle se fit une toilette rapide en attendant la réponse de son frère. De toute façon, il y a déjà un apprenti-guérisseur et un guérisseur. Toutes les places sont libres, non ? Elle ne voulait pas d'un frère incapable ! Elle finit par grommeler.

"- Tu fais ce que tu veux ! Moi, je serai cheffe ! T'as vu ? Etoile de Corneille, ça sonne bien, nan ? Ou, Etoile de la Corneille ? Roooh, je sais pas !"

Elle n’y allait pas de main morte Petite Corneille ! Le noiraud se frotta la joue maintenant endolorie par la frappe de sa sœur. Mais il n’allait pas s’avouer vaincu aussi facilement, d’autant plus que la corneille repartait encore une fois en ricanant de lui. Tu vas voir ce que tu vas voir.. ! se disait intérieurement Petit Aconit. Poussant un cri de guerre, il se jeta contre Petite Corneille qui en fit autant et ils roulèrent au sol. Le chaton sentit qu’elle lui mordillait les oreilles et il remua comme un ver sous son poids ; c’était sa technique favorite pour faire perdre l’équilibre à ses sœurs si elles se retrouvaient sur lui. Au même moment où il ondulait comme un fou pour se dégager, sa sœur se releva et réponda à ses questions au compte-goutte.

« Sinon, pour tes questions... Bah heu... Tu veux pas être chef, toi ? T'imagines ? Tu serais le chat le plus fort de la forêt ? C'est pas trop génial ?!" »

« Mais et si un chat encore plus fort que le chef et qu’il était pas chef, comment il ferait ? »

 «  Quoi? Me dis pas que tu veux être un stupide guérisseur ?! »

 « Pas vraiment… MAIS ! Tu trouves ça pas trop génial quand même ? Ils peuvent faire plein de chose avec les plantes ! Un peu comme...comme…UN CONTROLE SUR TOI ! »

Finalement, la chatonne passa à autre chose en grommelant. Pourquoi elle aimait pas les guérisseurs ? Bah, elle avait ses raisons peut-être.

 « Tu fais ce que tu veux ! Moi, je serai cheffe ! T'as vu ? Etoile de Corneille, ça sonne bien, nan ? Ou, Etoile de la Corneille ? Roooh, je sais pas !" »

 « Et pourquoi pas… ETOILE DES PLUMES NOIRES DE LA CORNEILLE DU CREPUSCULE !!! Même si j’ai une préférence pour… »

Il donna un coup de patte à sa sœur en rigolant et lui sauta dessus en poussant un cri de guerre.

 « Vieille Corneille Boiteuse ! »

« Mais et si un chat encore plus fort que le chef et qu’il était pas chef, comment il ferait ? »

La noiraude soupira. Quelle phrase intelligente. Non. Franchement, il se pose de ces questions ! Des questions que Petite Corneille n'aurait jamais eu l'audace d'y penser. Si un chat encore plus fort que le chef n'était pas chef, il le deviendrait. Ou alors, il tuerait le chef ! C'est simple comme bonjour ! Mais bon, comment lui faire comprendre logiquement quelque chose de totalement basique ? Il allait sûrement trouver une question à cette réponse ou un double-sens caché. C'est sûr !

"- Bah heu... Le chat fort deviendra chef en détrônant l'ancien chef et donc il deviendra chef et... Tu me donnes mal à la tête.

Toutes ces phrases inutiles et étranges lui donnaient la tête qui tourne. Elle devait se concentrer maintenant, et oublier les questions stupides de son frère !

« Pas vraiment… MAIS ! Tu trouves ça pas trop génial quand même ? Ils peuvent faire plein de chose avec les plantes ! Un peu comme...comme…UN CONTROLE SUR TOI ! »

"- Quoi ?" Grommela-t-elle en n'ayant pas compris un traître mot de cette phrase.

La Corneille l'observa de ses grands yeux ronds. Qu'est-ce qu'il racontait ? Les guérisseurs ne pouvaient pas faire un contrôle sur soi, nan ? En réalité, elle n'en savait pas plus que lui. Elle n'avait pour ainsi dire jamais été au repère du guérisseur et ne voulait jamais y aller. Ca pue les remèdes et les malades, là bas. Et puis, elle n'a pas besoin d'être guéri. Elle était déjà super forte et n'avait aucune blessure ! Quand elle lui affirma devenir bientôt Etoile de la Corneille, Petit Aconit répondit.

« Et pourquoi pas… ETOILE DES PLUMES NOIRES DE LA CORNEILLE DU CREPUSCULE !!! Même si j'ai une préférence pour... »

Mais qu'est-ce son frère avait dans le crâne ?! Sûrement un reste de souris morte ! Petite Corneille le regarda un air de dire "Mais qu'est-ce que tu racontes, mon pauvre vieux ?" Mais soit, elle ignorait que la bêtise de son frère aille aussi loin. Il n'était franchement pas malin !

Soudain, sans crier gare, le petit maigre donna un coup de patte à sa soeur dans un cri de guerre plus ressemblant à un couinement de chaton-guerrier.

« Vieille Corneille Boiteuse ! »

Ah, tu veux jouer à ça, hein ? Petite Corneille pouffa à l'entende de ce surnom qui ne sonnait pas comme une insulte à ses oreilles mais plus part une invitation à un jeu. Elle lui renvoya son coup de pattes. Elle renvois tous les coups qu'on lui donne !

"- Ah oui ? Toi, t'es qu'un Aconit Fané et qui Pue, en plus !" Ricana-t-elle.