Sujet: Pensée d'Automne - Effluves du passé Dim 8 Nov 2015 - 0:03
Lune 0
"Je t'aime, mon chat."
Savane, jeune chatte solitaire et débrouillarde, n'avait à craindre de rien ni personne sur ces terres libres qu'elle avait mis bien longtemps à trouver. La vie ici était plus facile, plus douce. Les rares chats qu'elle pouvait croiser étaient de légers chats domestiques sans expérience ou d'autres errants, simplement de passage. Elle se montrait discrète afin de préserver ce lieu de la convoitise de ses paires.
Courant à travers champs en direction de son point d'eau favoris, elle foulait le sol avec grâce pour venir s'abreuver puis s'étendre un moment sur un coussin d'herbes folles, comme à l’accoutumée. Le soleil tapait fort et le vent, éteint. Ainsi, elle ne remarqua pas tout de suite la présence de celui qui se trouvait de l'autre côté de la marre.
« Bonjour. »
~
Tout commença comme ça. C'était un de ces chats rêveur et aventurier. Le genre de chat dont on s’éprend au premier coup d’œil, sans même s'en rendre compte. Il ne lâcha plus Savane durant les jours suivant. Elle, de son côté, se laissait suivre volontiers par cet inconnu au charme particulièrement ravageur. Il avait des airs durs, d'un chat qui avait vécu les pires choses, mais semblait aussi tendre et doux. Sa posture, sa musculature, son odeur, tout en lui la faisait vibrer. Puis finalement, un beau jour, sans crier gare, il n'était plus là. Plus rien, plus une trace. Comme un mirage.
~
La jeune mère, entourée par tous ses petits, profitait des derniers rayons de soleil pour contempler sa portée. Ils étaient là, nichés entre quelques vieilles bottes de foins perdues, coupés du monde. Plus rien d'autre ne comptait, elle semblait comme absorbée par eux, ces petits êtres fragiles qui ne dépendaient que d'elle. Elle les scrutait.
Le premier né, le plus gros, ressemblait étonnamment à sa mère. Son pelage braise, dont les tâches plus foncées semblaient s'effacer à mesure qu'elles s'étendaient sur son dos, semblait raisonner avec le ciel orangé.
« Bengale. »
Le second, endormi depuis sa venue au monde, ne déniait pas montrer le bout de son petit nez gris. Enfouit confortablement entre le ventre chaud de sa mère et le poil léger de sa sœur. S'il n'y avait pas eu ses rayures pour les différencier, on aurait pu croire qu'il ne s'agissait que d'un seul et unique gros chaton.
« Pin et Automne. »
Un quatrième chaton cette fois, tentant péniblement de passer par dessus la queue de Savane, en vain, avait une robe cannelle, comme son aîné, mais cette fois presque uniforme.
« Merle. »
Ne restait plus que deux autres, un peu à l'écart, sur l'autre flan. L'une avait le poil d'un gris si clair que sans les rayures belle et bien ivoires de sa semblable pour comparer, on l'aurait cru blanche.
« Écume et Iris... »
Elle ferait tout ce qu'il fallait pour qu'ils soient heureux, elle. Elle ne les abandonnerait jamais, elle. Elle les aimait profondément, elle. Savane se mit à émettre ce son rassurant, lent et lancinant, qui vibrait en eux comme un message d'amour. Et son ronronnement, teinté d'une triste amertume, désormais encrée en elle, ne s’essouffla qu'à la tombée de la nuit.
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