Histoire :Six Lunes plus tôt
Ses yeux ouverts depuis quelques temps, elle les posait de part et d’autre de la pouponnière, comme si elle redécouvrait tout chaque matin. A l’entrée elle pouvait voir le fin manteau de neige qui recouvrait le sol et sentir un filet d’air se faufiler entre les poils de sa fourrure encore duveteuse. Perdu dans ses pensées à suivre la trajectoire de chaque flocon, elle fut, en l’espace d’un instant, plaquée au sol. Miaulant de contrariété, elle se redressa en remarquant une fourrure blanche aux yeux bleus.
« Petite Agonie c’est pas juste !
- Mais c’est drôle ! »
Pour l’embêter le chaton lui donna un coup de patte pour la provoquer avant de s’échapper en sautillant.
« Attend espèce de mulot pas frai ! »
Elle s’élança derrière lui et s’en suivit alors des petits jeux au corps à corps où elle prit le dessus plutôt facilement suite au handicape de son frère. Et pour cause, ce dernier n’avait pas une très bonne ouïe, comme pour beaucoup de chats de cette couleur, et avait par conséquent plus de mal au niveau de l’équilibre et de la coordination de ses mouvements.
Trois Lunes plus tôt
Son corps se heurta à l’une des parois de la pouponnière et elle lâcha un petit souffle étouffé dû au choc. Il ne lui fallut pas longtemps pour se remettre sur ses longues pattes en fixant d’un œil mauvais le chaton de deux lunes son aîné. Il avait osé la provoquer en traitant son frère d’incapable, il allait le payer. Même si cela voulait dire montrer une once de gentille à l’égard du membre de sa famille. Feulant, elle laissa son impulsivité prendre le dessus et se jeta sur le chat tigré qui l’évita de justesse.
« Reste par terre
petite »
Au moins où elle allait lui faire payer, sa mère rentra dans l’abri en lui lançant un regard qui voulait tout dire. Elle avait fait une belle bêtise. Immédiatement elle se releva en tuant de ses yeux azur le jeune chat avant de retrouver sa génitrice. Celle-ci lui donna un coup de patte sur la tête pour la réprimander et Petit Océan baissa les yeux en barbouillant des excuses.
« Ce n’est rien, mais ne fais rien la prochaine fois. » Continuant plus bas, elle reprit « Notre place ici ne tient pas à grand-chose »
En effet, elle le savait bien. C’était même pour cela que sa mère n’avait jamais voulu lui dévoiler l’identité de son père, pour le protéger disait-elle. Elle lâcha un soupire et rejoint son frère couché dans sa litière en tremblotant. Ce qui semblait être une maladie ne cessait de s’empirer et le froid n’arrangeait rien à cela. Lâchant les muscles de ses pattes, elle tomba doucement au sol en se collant à Petite Agonie et laissa Morphée la prendre dans ses bras.
Une Lune plus tôt
Le jour de son changement de rang. Elle allait passer de simple chaton à apprenti. Elle allait enfin servir à quelque chose au lieu de rester au milieu de ces jeunes chats.
Du moins, c’est ce qu’elle croyait.
La cérémonie se passa sans embuche, pour elle comme son frère. Son mentor, Lame de Sang ne lui inspirait aucunement confiance, tout comme celui du petit blanc. Elle fut nommée Nuage Océanique et son frère Nuage d’Agonie, nom cruel que personne n’avait songé à changer, comme pour lui promettre une longue agonie. Ceci commençait déjà à réveiller en elle son esprit de révolte.
Trois quarts de Lune plus tôt
Epuisée, vidée, elle rentrait de son entrainement au combat. Cela ne faisait que sept longue journée qu’elle était apprentie et elle regrettait déjà ce statue. L’aspect un minimum chaleureux de la pouponnière n’était plus et avait été remplacé par une sournoise envie de se sentir supérieur. De la peur de la totalité –ou presque- des membres. Les peu « normaux » se faisait persécuter ou sévèrement puni par leur supérieurs. C’était certainement pour cela que la rousse tanguait à devenir ainsi. Ce n’était en effet pas rare qu’elle vienne à se battre avec ses camarades pour de futiles raisons, ou bien simplement pour laisser sortir sa colère et sa frustration.
Mais ce soir ce n’était pas pareil. Elle avait envie d’être avec son frère, de lui parler et de dormir contre lui. Raison pour laquelle elle l’attendit un long moment. Voyant le soleil commencer à se perdre au loin et le ciel sombre le recouvrir, son cœur se serra. Ce n’était pas normal.
Ses inquiétudes s’avérèrent être véritable et sensé lorsque le mentor de Nuage d’Agonie revint. Sans lui.
Elle s’élança alors à sa rencontre en constatant une odeur de sang mêlée à celle de son frère. Nuage Océanique se figea en gardant les yeux rivés sur l’arrivant, désormais proche de lui d’une longueur de queue. Sa tristesse s’était transformée en rage, non pire, en haine. Ses yeux bleus semblaient le tuer du regard tel un coup de fusil.
«Oui ? » demanda-t-il de manière vicieusement amusée
Pour toute réponse, un feulement monstrueux sortit de ses cordes vocales et elle banda ses muscles pour se jeter sur lui, toutes griffes sorties. Sur l’instant elle parvint à le faire glisser sur le côté et à le mordre, mais rapidement le guerrier lui montra sa supériorité. Balancée, poussée de tout côté, elle ne parvenait pas à se défendre, sa vision n’était que structure incomplète et elle souhaitait plus que tout que tout s’arrête. Mais jamais ô grand jamais elle ne se serait mise à genoux pour le supplier de cesser. Etalée au sol, elle ne sut si cela dura dix secondes ou une heure, mais lorsque le mentor décida qu’elle en avait assez, il se pencha vers elle
« Voilà un partie de ta punition d’avoir défendu ton incapable de frère et d’avoir attaqué un membre du clan. Attends-toi au pire désormais »
Le poil de son échine se hérissa lorsqu’elle fut parcourue d’un long frisson. Pire. Elle ne pouvait pas avoir pire que la perte Nuage d’Agonie.
***Dans la nuit, après son passage chez le soigneur, la rousse prit bien soin de prendre un paquetage de graine de pavot afin d’amoindrir la douleur. Elle allait s’enfuir du camp avant que quelqu’un ne s’aperçoive de son départ.
Rapidement et silencieusement, elle se faufila entre les différents obstacles naturels et, lorsqu’elle fut assez loin, elle se permit d’accélérer ses foulées afin de se tenir au plus loin de cette tribu d’assassin et de brute. Ses blessures l’empêchaient cependant de courir, ce qui lui permit tout de même de quitter le territoire à l’aube
Actuellement
Ses blessures complètements cicatrisées, il ne restait sur elle qu’une cicatrice lui fendant une partie de l’oreille ainsi que sa joue. Du moins presque, une persistait à rester ouverte et l’obliger ainsi à garder ce désir de vengeance. Mais aussi d’espérance. En effet la chatonne tenait plus que à trouver un clan, un véritable clan où prouver sa véritable valeur. Cela faisait déjà quelques semaines qu’elle foulait d’innombrables sols en tournant souvent en rond autour de certains territoires, sans jamais vraiment trouver ce qu’elle cherchait. Il lui arrivait parfois de voir des chats qu’elle ne connaissait absolument pas et qui l’obligeait ainsi à se cacher afin de ne pas se faire repérer.
C’est ce pourquoi, en ce moment-même ses coussinets foulaient une terre dénuées d’arbre en pensant au fond d’elle que c’était le bon moment et le bon endroit. Ne connaissant pas l'identité de son père, Nuage Océanique ne savait pas si elle se cachait un coeur d'assassin, de domestique, de vagabond. Ou même de combattant
A elle de se prendre en main.