Avant l'ombre et l'indifférence || Etoile Fauve

L'entraînement venait de prendre fin. Une fois encore Nuage de Lion n'avait cessé de râler face à la présence de Nuage Sylvestre. Il ne comprenait toujours pas pourquoi est-ce qu'Etoile Arctique avait décidé de s'occuper de cette incapable. Elle avait déjà un apprenti, lui. Alors pourquoi en avoir prit un second ? C'était vraiment n'importe quoi. Shootant dans un caillou qui traînait là, le jeune mâle poussa un profond soupir. Peut être qu'il ne convenait pas à sa meneuse. Pourtant il faisait tout pour qu'elle soit fière de lui... alors qu'est-ce qu'il ratait ? D'accord il avait eut plusieurs lunes d'arrêt.. mais ce n'était pas pour ça qu'il était si mauvais. Et puis, il n'était pas mauvais ! Il était sûrement l'un des meilleurs apprentis du clan ! Enfin, ça c'est ce qu'il disait. Qu'en était-il de la vérité ?

Si Nuage Sylvestre était déjà rentrée, lui avait prétendu vouloir prendre encore un peu l'air, seul. Il pourrait chasser, mais l'envie n'y était pas. Il se laissait alors aller. S'en réfléchir, il laissait le vent guider ses pas. Il n'y avait rien de meilleur que de sentir la douce et fraîche brise balayer sa pelisse. Le vent était une force que seul le clan des Flammes semblait être apte à comprendre. C'était lui qui les poussait... Du moins, c'est l'impression qu'avait Nuage de Lion. Et lorsqu'il courrait, le vent dans le dos, il avait presque l'impression de s'envoler, porté par cet ami invisible.

Nouveau soupir, nouveau pas. Il aimait être seul. Surtout en ce moment. Se retrouver un peu, sans personne autour de lui. Laisser libre court à sa colère et à sa frustration. Nuage de Miel et Nuage de Lézard allaient bientôt devenir des guerriers et Etoile Arctique avait préféré prendre une seconde apprentie plutôt que de pleinement s'occuper de lui. Lui, n'était qu'un pauvre novice qui en avait pour encore bien des lunes avant d'enfin atteindre son but.

Un nouvelle odeur assaillit son nez, levant le museau en l'air, il plissa les yeux en même temps qu'il fronça la truffe. Eurk, cette odeur n'était pas celle de son clan. Mais celle d'ennemis. Il cru d'abord à une sorte d'intrusion avant qu'il ne se rende compte que l'odeur du clan des Flammes et de ce qu'il avait deviné comme étant celle des Bois se mélangeait à cet endroit. Il ne lui fallut alors que quelques secondes de plus avant de réaliser qu'il c'était aventuré jusqu'à la frontière. Curieux, il s'avança pour se poster sur les pierres lisses, posant son arrière train, il laissa ses yeux émeraudes balayer les terres inconnues qui s'étendaient de l'autre côté de cette ligne invisible.

Je ne devrai pas m'ennuyer alors que la tanière est totalement détruite. Je me sens coupable mais ma présence autour de la tanière ne ferait que gêner les guerriers déjà lancé dans la grande réparation. De plus, le soleil décline doucement derrière les montagnes. Il allait bientôt faire nuit. Je décide de sortir du camp pour me balader, me ressourcer un petit peu.

Je me faufile hors du camp en essayant d'être repérer par personne. Le Clan des Flammes a quitté notre territoire pour la nuit, ils seront de retour demain matin. J'aimerai avoir un apprenti pour sortir avec lui comme je le fais seul maintenant et pourquoi pas me confier à lui même si là n'est pas mon premier rôle. Je me retrouve rapidement au niveau de la frontière grâce à mes grandes pattes, le mélange d'odeur me fait friser les moustaches.

Une odeur du Clan des Flammes me semble être plus importante que la simple effluve de la frontière. Je lève les yeux et voit un matou roux perché sur un caillou. J'incline la tête et demande, surpris de voir un matou si jeune dehors à une heure pareille :

« Eh toi ! Que fais-tu seul là haut ? C'est Étoile Fauve, meneur du Clan des Bois. »

Je ne veux pas l'effrayer. Ce petit m'intrigue. Il semble seul et a peut être besoin d'aide. Je sais que je ne devrais pas être là à discuter avec un matou adverse mais je suis tout de suite pris de compatie pour ce matou qui me semble bien triste.

Il scrutait les terres boisés qui s'étendaient devant lui. Il les avait traversé la veille pour aller aider le clan adverse avec la reconstruction de leur tanière. Mais il n'avait pas eut l'occasion de vraiment faire attention au territoire inconnu. Il fallait dire qu'il avait passé une grande partie du trajet à râler en disant qu'il avait mieux à faire que d'aider des ennemis. Il poussa un nouveau soupir, perdu dans ses contemplations et dans ses réflexions, il ne fit pas attention au félin qui approchait de lui. Ce fut sa voix qui, le faisant sursauter, le sorti de sa rêverie. Etoile Fauve ? Qu'est-ce qu'il fichait là ? Et plus encore, pourquoi il l'accueillait de la sorte ?

Nuage de Lion posa ses yeux émeraudes sur le matou roux. Il le surplombait depuis les rochers sur lesquels il était perché. Cette hauteur lui donnait une certaine prudence et le rassurait quelque peu. Un meneur reste un meneur. C'est une personnalité importante et il ne voulait pas se retrouver à sa hauteur. D'ici, il avait l'impression d'être à force égale ce qui ne serait surement pas le cas si ils se retrouvaient face à face. Pourtant, vu la stature imposante de vieux novice, ils devaient presque faire la même taille, mais ne serait-ce que l'aura de puissance et de noblesse que dégageait le chef du clan du Bois serait de taille à l'écraser.

— Je me promène, c'est un problème ? J'suis pas du mauvais côté que je sache.

Il n'était pas vraiment agressif, plutôt sur la défensive. Méfiant. S'il avait bien apprit quelque chose, c'était de ne faire confiance qu'à lui même... et à quelques rares autres félins du clan. Comme son frère et sa soeur ou encore, bien évidemment, Etoile Arctique. D'autant plus, qu'une question flottait dans son esprit, qu'est-ce que lui, félin ennemi, lui voulait ?

L'apprenti me fixe. Il doit sans doute être entrain d'analyser la situation. Peut-être pense-t-il que je vais le manipuler et c'est pour cela qu'il reste perché là haut ? Il semble réfléchir et commence d'un ton sec, non pas agressif mais plutôt méfiant ;

« Je me promène, c'est un problème ? J'suis pas du mauvais côté que je sache. »

Il est beau sous le soleil comme ça. Sa fourrure ondule au grès du vent et les rayons se reflètent et le rende flamboyant. Mon regard croise le sien, il arbore de magnifiques prunelles vertes. Ce matou est très intriguant. Bien qu'il soit apprenti il est très grand, il doit quasiment faire ma taille. Je m'assieds de mon côté de la frontière et ramène ma queue autour de mes pattes et miaule d'un ton apaisant :

« Aucun problème. Je trouve juste que tu es dans une posture dangereuse. Tu pourrais te blesser, après ce n'est qu'une supposition. »

La fin de ma phrase est comme une mise au défi. Lorsque l'on est apprenti, en règle général on est fougueux et on aime montrer qu'on échoue pas là où les autres ne croient pas en nous. J'attends de voir la descente du matou, voir s'il réagit à ma « provocation » ou s'il la laisse couler avec maturité.

Les yeux émeraude du novice étaient rivés aux perles d'ambres du meneur adverse, il le jaugeait du regard, l'observant avec méfiance. Il n'avait pas confiance en les membres des clans adverses. Seul son clan était fiable. Et s'il y avait une tribu dont il se méfiait d'avantage en raison des tensions qui semblaient unir leurs deux clans depuis bien des lunes, c'était la tribu des Bois. Depuis son perchoir, il avait tout le loisir de l'observer. Le chef ennemi semblait bien calme, ne devrait-il pas se monter plus agressif ? Après tout, un inconnu se trouvait à la limite avec son territoire. Ne devrait-il pas être sur la défensive et lui ordonner de s'éloigner de ses terres ? Alors pourquoi c'était-il simplement assit ?

Même ses paroles étaient calmes, semblant vouloir l'apaiser, le rassurer afin qu'il se détende et qu'il cesse d'être méfiant. Pourtant, Nuage de Lion avait très bien perçu la lueur de défi dans les paroles de l'autre matou. Le grand apprenti plissa les yeux et rabattit ses oreilles sur son crâne, il le mettait au défi ?  Très bien. Il allait lui montrer à ce chef de pacotille ! Ni une, ni deux, il s'avança sur les roches, faisant crisser ses griffes sur leurs surfaces dans un bruit peu agréable, dans l'optique d'éviter de déraper. Il serra les crocs et sentit son coeur s'emballer sous la peur lorsque l'une de ses pattes glissa, le faisant trébucher et manquer de s'écraser sur le sol. Il frissonna légèrement, pas question de se blesser de nouveau. Son apprentissage avait déjà bien été retardé comme cela.

La fin de sa descente se fit finalement sans trop d'autres soucis, quelques petites frayeurs par-ci et par-là, mais c'est entier qu'il se retrouva devant les pattes du meneur roux. Il planta son regard dans celui de l'adversaire, un sourire triomphant sur le coin des babines :

— J'suis descendu, t'es content ?

A aucun moment le fait qu'il ne se trouvait plus de son côté de la frontière ne lui traversa l'esprit. Il avait relevé le défi du rouquin et c'était tout ce qui importait à cet instant.


HRP : Un gros pardon pour cet immense retard :/

Sous mes « conseils » l'apprenti entreprend de descendre de son rocher. Je le regarde faire, patte après patte. Il est plutôt agile je dois l'avouer. Il doit être un vieil apprenti sur le point de devenir guerrier. J'ai sans doute pensé trop vite, à peine eut-il amorcé sa descente qu'il trébuche et se rattrape ni une ni deux sur un autre rocher, manquant de s'écraser au sol. Je soupire, dépassé par le sale caractère de cet apprenti. Il atterrit juste devant moi en feulant :

« J'suis descendu, t'es content ?  »

Qu'il soit descendu ? Oui. Qu'il soit de mon côté de la frontière ? Un peu moins. Je gonfle mon poil et mon poitrail pour me montrer menaçant. Mes babines se retroussent laissant apparaître mes crocs blancs. Je feule alors sur l'apprenti :

« Tu es un piètre apprenti. Tu ne viens pas du Clan des Flammes pour rien. On ne t'a jamais appris à ne pas traverser la frontière ? Et ce, encore moins quand tu as le meneur adverse en face de toi ? »

Mes griffes se plantent dans la terre. Je veux pas attaquer cet apprenti, le combat serait inégal et déclencherait sans doute une guerre. Je veux juste lui faire comprendre que ce comportement n'a pas lieu d'être. On doit le respect aux Chefs et aux frontières, et ça, il allait le comprendre qu'il le veuille ou non.

Poitrail gonflé de fierté et rictus moqueur au coin des babines, Nuage de Lion défiait ouvertement du regard le grand meneur roux. Le respect ? Seuls quelques personnes privilégiés y avaient le droit. A vrai dire, seuls Etoile Arctique, Graine de Pavot ainsi que sa famille pouvait en bénéficier. Les autres ne comptaient pas. N'étaient rien. Ne valaient rien. Rien que des obstacles et des insectes sur son chemin qui le ferait devenir le plus grand guerrier de la forêt. Au plus grand damne de sa pauvre mère qui ne cessait d'essayer de le rendre plus poli.. mais visiblement rien n'y faisait.

Finalement, le chef du clan des Bois gonfla sa pelisse, se montrant plus imposant, plus menaçant. Il laissa apercevoir ses crocs, il était tout d'un coup devenu bien agressif. Et c'est sans plus tardé qu'il feula dans la direction du plus jeune, n'hésitant pas à insulter le clan des Flammes, lui signalant avec force et colère qu'il avait traversé la frontière, chose interdite. Le vieux novice grogna et cracha à son tour. Piqué au vif.

— Le clan des Flammes vaut bien plus que ce ton pauvre clan.

La colère naissait dans son coeur. Personne n'insultait de la sorte son clan. S'il y en avait bien un qui n'était pas faible, c'était le sien. Et ce, quand bien même certains félins lui sortaient par les yeux, brisant l'image de force... comme Nuage Sylvestre par exemple.. Il foudroya le chef ennemi du regard, crachant avec force, détachant ses mots afin qu'ils pénètrent bien l'esprit de l'adversaire :

— Tu ne me fais pas peur.

Sa pelisse flamboyante s'était dressée sur son échine, se montrant à son tour plus menaçant. Il n'était pourtant pas bête à se point, ses chances face à un chef étaient moindres, mais si jamais le combat devait arriver, il n'hésiterais pas à y faire face.

Il ne se démonte pas. Il est là, il fait le fier. Je pourrai être un personnage lambda. Je suis un chef ennemi mais il me tient tête alors qu'il est sur mon territoire. Je dois avouer que le cran de ce petit est très admirable. Cependant, l'irrespect de l'apprenti vient rapidement masquer cette admiration :

« Le Clan des Flammes vaut bien plus que ce ton pauvre clan.   »

Son ton est haineux. Il a le pelage en bataille et me crache au visage. Je le fixe et me contient, je suis un meneur et lui un apprenti, je ne dois pas l'attaquer. Il va devoir partir sous mes ordres sinon une guerre risquerai d'éclater et nous en avons pas besoin.

« Tu ne me fais pas peur.  »

La situation m'agace. Je ne peux rien faire à cet apprenti et ce-dernier abuse totalement de cette incapacité d'agir. Je feule et gonfle le dos et me décide à agir. Je l'attrape par la peau du coup comme un vulgaire chaton et le balance de l'autre côté de la frontière avec difficulté.

« Ai un peu de respect. Reste du côté de ta frontière si tu en veux pas qu'une guerre éclate entre nos Clans. Tu n'as peut être pas peur de moi mais si je dis ce qu'il se passe à Etoile Arctique je doute que tu passes un bon quart d'heure. Donc sois mignon et rentre chez toi. »

Mon dos se dégonfle et je tourne le dos à l'apprenti ne craignant pas d'être attaqué.

La colère enveloppait son coeur, il avait encore du mal à réaliser comment ce début de conversation presque amicale avait put à se point dégénérer. Mais cela n'avait pourtant que bien peu d'importance. Le meneur adverse le provoquait, il lui lançait un défi et une fois réalisé, il lui crachait dessus. Cela le mettait hors de lui. Peut être n'aurait-il pas dut traverser la ligne séparant les deux clans, certes. Peut être était-il le réel félin en tord... mais il n'avait que faire de cela ! L'autre rouquin gonfle à son tour sa pelisse, paraissant bien plus impressionnant de la sorte.. pourtant, Nuage de Lion fait en sorte de ne pas paraître effrayer. La rage l'aidant probablement.

Les paroles d'Etoile Fauve ne font qu'attiser la flamme de sa colère, d'autant plus qu'il osait lui tourner le dos par la suite ? Pour qui se prenait-il ?! Un grognement rageur s'échappa de sa gorge alors qu'au lieu de faire volte-face comme tout chat censé l'aurait fait, il avançait de quelques pas lent. Ignorant les menaces de l'ennemi, ne pensant pas à la déception que ressentirait probablement sa propre meneuse en l'apprenant.. Il n'allait tout de même pas le laisser fuir comme cela :

— Arrête de fuir espèce de lâche !

Il s'était arrêté, se redressant de toute sa hauteur, levant le menton et prenant un air sûr de lui. Il laissa se dessiner sur ses lèvres un sourire plein de mépris et d'arrogance.

— Tu parles d'un chef, je ne veux même pas voir le reste de ton clan avec un trouillard comme toi à sa tête. Pas étonnant que vous soyez si faibles.

Cet apprenti fait preuve de tellement d’arrogance que je me demande comment son mentor fait pour le supporter. Je n’aime pas le Clan des Flammes - c’est un secret pour personne - mais là je suis tout de même surpris de voir autant d’insolence de la part d’un si petit être. Je soupire et me décide à me retourner lorsque j’entends :

«  Arrête de fuir espèce de lâche ! Tu parles d'un chef, je ne veux même pas voir le reste de ton clan avec un trouillard comme toi à sa tête. Pas étonnant que vous soyez si faibles.  »

Je fais volte-face et fronce les sourcils en grondant. Mais pour qui se prend-t-il ? Il me regarde de son air fier, le menton levé et le torse bombé. Un apprenti n’a pas à me traiter de la sorte. Je rentre mes griffes et je tire l’apprenti du côté de la frontière. D’un puissant coup de patte je le fais basculer sur le dos et je m’appuie de tout son poids sur ses épaules pour l’immobiliser :

« Je ne suis pas un lâche. Il ne faut pas confondre rêve et réalité. Tu es de mon côté de la frontière donc TU es en tort. Je ne veux pas te blesser mais si tu ne te calmes pas, je serai obligé de te faire passer l’envie de revenir.  »

Je regarde l’apprenti. En réalité il me ressemble, son pelage est semblable au mien et son arrogance me rappelle celle de mon ex-compagne. Je me rapproche de sa tête, crocs dehors et griffes rentrées pour prendre soin de ne pas le blesser avant qu’il ne m’y force.